BIBLIOTHEQUE › (Auto) Biographies, Journaux intimes

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Et rester vivant (Jean-Philippe Blondel)

dimanche 9 octobre 2011

Une fois de plus Blondel est venue me cueillir avec ses mots. Coup de coeur. Dès la première page, j'ai été absorbée par le texte et je n'ai plus lâché le livre. 
Un ouvrage sur la couverture duquel on peut lire l'inscription "roman", sauf que ça n'en est pas vraiment un... L'auteur livre ici une tranche de sa vie, l'un de ces moments intimes et denses, si difficiles à raconter. 

L'histoire démarre avec le décès de son père. Il a alors vingt-deux ans et quatre ans auparavant, sa mère et son unique frère ont été tués dans un accident de voiture. Quatre petites années et il se retrouve seul et sans attaches.
Jean-Philippe Blondel s'excuse presque de cette situation improbable :

C'est ridicule.
Personne ne perd son frère et sa mère, puis quatre ans plus tard, son père - à l'âge de vingt-deux ans.
Ça n'arrive jamais, ce genre de choses. Même dans les romans. Il y a une limite à l'indécence, quand même. Le romancier plonge son héros dans la tragédie, il ne va pas en rajouter une couche. Il est sur le point d'ajouter un troisième décès, et puis il se reprend : " Ah non, honnêtement, c'est impossible, il faut que je trouve autre chose. "

Sauf qu'ici il ne s'agit pas de fiction.
Après le décès de son père, l'auteur n'a plus qu'une idée en tête, partir. Aller en Californie et se rendre à Morrow Bay, une ville dont parle Lloyd Cole dans sa chanson Rich qu'il écoute en boucle à l'époque.
Et le voilà de l'autre côté de l'Atlantique avec son ex petite amie et son meilleur ami, Laure et Samuel. 

C'est à la fois le récit d'un voyage sur un autre continent et celui d'un voyage intérieur qui nous sont relatés en une dizaine de courts chapitres. 
J'ai déjà lu plusieurs romans de Jean-Philippe Blondel et c'est sans hésitation que j'ai emprunté celui-ci à la bibliothèque. Je l'ai vu et je me suis dit : " chic, un nouveau Blondel ". Sauf que je ne me souvenais plus que c'était un roman autobiographique. J'ai eu une petite appréhension et puis je l'ai ouvert. Et je ne l'ai plus refermé, enfin si, à la fin. J'ai aimé découvrir ce passé même s'il est triste. J'ai aimé, que dis-je, j'ai adoré cette écriture. Un style parfaitement juste. L'auteur explique dans plusieurs interviews la difficulté qu'il a eue et le temps qu'il a mis avant de trouver le bon ton, celui qui saurait énoncer ces instants tragiques sans sombrer dans le pathos. Mission réussie. Pas de pathos mais une véritable émotion, une pureté dans les mots, ces phrases courtes, ces métaphores si parlantes. Il n'y a pas de descriptions exhaustives, d'insistance sur les sentiments ressentis. Blondel ne s'embarrasse pas de cela, il va à l'essentiel et délivre son message sans détour. On peut ne pas aimer ce style. Moi il me transporte, me happe dès les premières lignes. Je ne sais pas comment exprimer ce que j'ai éprouvé en lisant ce livre, mais j'ai eu l'impression d'entrer en communion avec lui. C'est simple, mais tellement bien écrit.

Et rester vivant est un roman intime, très personnel. Il ne touchera pas tous les lecteurs mais il déversera sa douce magie sur quelques uns. Il apporte un éclairage sur les romans précédents de l'auteur et vient en quelque sorte boucler un cycle d'écriture. Un livre qui n'a pas dû être évident à écrire mais qu'il aurait été dommage de garder sous silence. 

* * *

Deux interviews de l'auteur à propos de Et rester vivant : celle réalisée par la librairie Mollat, celle réalisée par France Culture

Les impressions de SylireLaure et Laurence

Buchet Chastel
244 pages, septembre 2011

127 heures (Aron Ralston)

mardi 15 mars 2011

127 heures est une réédition française du texte publié pour la première fois en 2005 sous le titre Plus fort qu'un roc. Une réédition qui accompagne la sortie du film (Qui, au passage, ne me tente pas du tout, j'ai vu la bande-annonce, beurk ! La personnalité qui est donnée dans le film au personnage d'Aron ne colle pas du tout à la réalité.) adapté de ce roman-témoignage.

L'histoire, vous la connaissez peut-être, est celle de ce jeune américain qui, en 2003, vécu et vaincu une situation impossible, ou tout du moins ce qui me paraît comme tel.
Nous sommes le 26 avril dans le Canyonlands National Park, Utah. Aron Ralston a prévu une ballade d'une journée entre VTT et canyoning. Le but de l'expédition est de se rendre à la Great Gallery qui se situe dans le Horseshoe canyon pour y admirer des pétroglyphes vieux de plusieurs milliers d'année. Le jeune homme âgé de 27 ans est un sportif accompli, grimpeur et skieur confirmé et amoureux des grands espaces. 
Le parcours qu'il a choisi ne présente pas de difficultés particulières et la météo est plutôt clémente. La journée démarre bien, Aron va au bout de la piste cyclable, abandonne son vélo puis entame la suite de son périple à pied. Après avoir partagé un bout de chemin avec deux jeunes femmes rencontrées à l'entrée du Blue John Canyon  il quitte ces dernières pour terminer la promenade en solo. 
Moins d'une heure plus tard sa vie bascule en même temps qu'un gros rocher. Aron a vu le bloc tomber, tenté de l'éviter mais sans succès. Après avoir ricoché sur la paroi abîmant au passage sa main gauche, la pierre se bloque dans le couloir du canyon coinçant au passage la main et le poignet droits d'Aron.
Ce que relate ce livre, ce sont les 127 heures qui se sont écoulées entre le moment ou Aron a eu son accident et celui où il a retrouvé la liberté. 127 heures dont une bonne partie sans eau et sans nourriture, sans pouvoir bouger ni dormir. 127 heures à chercher désespérément des solutions toutes plus improbables les unes que les autres, à garder espoir pour ensuite admettre que la seule issue possible est la mort. 
Pour sortir de ce canyon, le jeune homme devra prendre la terrible décision de s'auto-amputer le bras. Comment a-t-il survécu à une pareille épreuve, comment son organisme a-t-il résisté si longtemps aux privations d'eau et de sommeil ainsi qu'à la douleur ? On serait tenté de crier au miracle. Ce qui est certain, c'est qu'Aron a bénéficié de sa solide constitution physique mais également d'une force mentale incroyable et de son intelligence.

J'avais envie de lire ce roman, de comprendre le parcours de cet homme, ce qui est passé dans la tête de cet individu qui a réalisé l'irréalisable. Cependant j'appréhendais le côté "sensationnaliste", je craignais de lire un témoignage dans lequel je me serais davantage sentie voyeuse que lectrice. 
Bien au contraire, j'ai trouvé ce livre très pudique et bien tourné. Le récit, qui n'est pas sans émouvoir, ne bascule pas dans le pathos mais expose les faits le plus objectivement possible, presque de façon clinique. J'ai été agréablement surprise de découvrir, au-delà de cette histoire extraordinaire, la plume d'un homme intéressant dont on découvre au fil du livre le cheminement de vie jusqu'à ce 26 avril 2003. La narration alterne ainsi des chapitres qui retracent ses premières expériences avec la nature et cette période de  cinq jours coincé dans le canyon. Grâce à ce procédé, on découvre qui est cet homme et l'on peut dans le même temps souffler un peu avant de retourner au fond du canyon. Parce qu'on y est vraiment dans le canyon. Pendant cette lecture, le sentiment d'empathie que l'on ressent est immense et j'ai pour ma part eu véritablement la sensation d'accompagner physiquement et moralement cet homme que je ne connaissais pas. D'ailleurs,  au moment où j'écris ce billet, je suis encore là-bas en pensée. 

C'est bien sûr une histoire qui émeut, qui bouleverse, mais pas que. Je suis ressortie de cette lecture avec une plus grande conscience encore de ce qu'est la vie, de l'importance des choix que l'on y fait, de la nécessité d'y accepter les événements malheureux et d'aller toujours de l'avant. Mine de rien, c'est un ouvrage qui fait réfléchir et vous ramène à une position d'humilité.

L'avis de Lystig


Titre original : Between a rock and a hard place
Traduit de l'américain par Yves Forget-Menot
Michel Lafon, 303 pages, 2004 pour l'édition originale, 2011 pour cette deuxième édition française

Petits contes de printemps (Sôseki)

dimanche 2 mai 2010

La couverture est jolie, le titre est une invitation à la lecture, mais je suis restée insensible à ces Contes du printemps...

Pourtant c'était plutôt bien parti avec le premier "conte" qui s'intitule Jour de l'an. C'était agréablement écrit avec cette note d'humour si particulière  - spécifique, j'en ai l'impression, à la culture asiatique - qui me touche. Mais les récits suivants m'ont ennuyée et laissée de marbre. Sôseki, dans ce recueil, relate des moments de sa vie souvent anecdotiques, des souvenirs, des instants. L'idée avait tout pour me plaire mais je me suis sentie complètement étrangère (au sens propre et figuré) à ce que raconte cet auteur japonais. Cela s'explique sans doute en partie par l'écart entre ma culture et celle de l'auteur mais il ne s'agit pas seulement de cela. J'ai été transportée par des textes émanant de cultures très éloignées de la mienne, aussi je ne pense pas que ce soit la raison de mon indifférence aux Petits contes de printemps.
J'avoue que je suis perplexe, je ne sais comment analyser ce rendez-vous manqué.
Je peux néanmoins imaginer ce que l'on peut apprécier dans cette œuvre... une sorte de musique interne, la contemplation du temps et des paysages... autant d'éléments qui d'habitude séduisent la lectrice que je suis.

Lecture commune avec Lau

(une lecture croisée puisque l'on s'est offert mutuellement ce livre dans le cadre du swap au long cours 2009)

Philippe Picquier (collection Picquier Poche) - 138 pages

Chagrin d'école (Daniel Pennac)

vendredi 5 mars 2010

De Daniel Pennac, j'ai lu avec grand plaisir la saga Malaussène (dont j'ai d'ailleurs tout oublié avec les années, c'est terrible cette mémoire-passoire !), aimé Comme un roman, en particulier pour les droits du lecteur auxquels j'adhère totalement, et étudié avec une classe L'oeil du loup.
Chagrin d'école que j'avais repéré à sa sortie m'a été offert par une amie d'enfance, en clin d'œil à nos années passées côte à côte sur les mêmes bancs du collège.

Ce que je ne savais pas en ouvrant ce livre, c'est que j'allais y découvrir une facette que je ne connaissais pas de l'auteur, son passé de cancre. Un cancre devenu professeur puis romancier, ça pique la curiosité du lecteur ! Mais si Chagrin d'école (j'aime beaucoup ce titre que je trouve poétique) commence comme une autobiographie, la dernière page tournée, il m'apparaît davantage comme un essai sur l'échec scolaire. Le terme essai peut faire fuir certains lecteurs, mais ce texte n'est point ennuyeux et se laisse lire très facilement. J'y ai retrouvé ce que j'aime dans l'écriture de Pennac, ce côté fantaisiste, humoristique et parfois légèrement décalé, mais aussi ce ton de sincérité.
Sous ses dehors bonhomme, Daniel Pennac nous livre des pensées profondes avec une réelle émotion. Je me suis laissée porter avec plaisir par les mots, j'ai souri, froncé les sourcils aussi, car je n'ai pas toujours partagé la vision de l'auteur, mais j'ai apprécié cette lecture. Je lui reproche cependant cette vision "unique", cette systématique prise de position en contre-pied de la pensée "commune". Je penche pourtant plutôt du côté du point de vue de l'auteur, mais sa démonstration m'a parfois, je le confesse, un tantinet exaspérée.

Malgré ce petit bémol, une belle lecture pour aller à la découverte du cancre Pennacchioni et réfléchir (un peu) à la façon dont les élèves en difficulté vivent leur scolarité.

Ah ! Terribles sentinelles, les majuscules ! Il me semblait qu'elles se dressaient entre les noms propres et moi pour m'en interdire la fréquentation. Tout mot frappé d'une majuscule était voué à l'oubli instantané : villes, fleuves, batailles, héros, traités, poètes, galaxies, théorèmes, interdits de mémoire pour cause de majuscule tétanisante.

Il y a ce père, agacé, qui m'affirme, catégorique :
- Mon fils manque de maturité.
Un homme jeune, strictement assis dans les perpendiculaires de son costume. Droit sur sa chaise, il déclare d'entrée de jeu que son fils manque de maturité. C'est une constatation. Ça n'appelle ni question ni commentaire. Ça exige une solution, point final.
Je demande tout de même l'âge du fils en question.
Réponse immédiate :
- Onze ans déjà.
C'est un jour où je ne suis pas en forme. Mal dormi, peut-être. Je prends mon front entre mes mains, pour déclarer, finalement, en Raspoutine infaillible :
- J'ai une solution.
il lève un sourcil. Regards satisfait. Bon, nous sommes entre professionnels. Alors, cette solution ?
Je la lui donne :
- Attendez.
il n'est pas content. La conversation n'ira pas beaucoup plus loin.
- Ce gosse ne peut tout de même pas passer tout son temps à jouer !
le lendemain je croise le même père dans la rue.
même costume, même raideur, même attaché-case.
mais il se déplace en trottinette.
Je jure que c'est vrai.

Dans ma famille, j'avais surtout regardé les autres lire : mon père fumant sa pipe dans son fauteuil, sous le cône d'une lampe, passant distraitement son annulaire dans la raie impeccable de ses cheveux, un livre ouvert sur ses genoux croisés ; Bernard, dans notre chambre, allongé sur le côté, genoux repliés, sa main droite soutenant sa tête... Il y avait du bien-être dans ces attitudes. Au fond, c'est la physiologie du lecteur qui m'a poussé à lire.

Un grand merci Nawal, pour ce beau cadeau qui a attendu trop longtemps dans ma bibliothèque !

Lecture commune avec Abeille, Christelle et Cynthia (au moment où je poste mon billet, seule Cynthia a rendu sa copie, je rajouterai les liens vers les billets de mes autres camarades plus tard)

Gallimard (collection Blanche) - 304 pages

Les grandes vies ~ Magellan (Stefan Zweig)

mardi 2 mars 2010

Au moment où je m'apprête à rédiger ce billet, je reprends en main ce volumineux ouvrage et je réalise qu'il est truffé de post-it qui ont jalonné ma lecture. J'en dénombre pas moins de onze pour une lecture de moins de deux cents pages, ce qui, je crois, est un signe. Signe que ce texte m'a interpellée, signe aussi de sa qualité.

Je n'ai jamais aimé l'histoire telle qu'elle m'a été enseignée au lycée. Si j'avais eu un professeur possédant ne serait-ce que le quart du talent de Zweig, j'aurais été beaucoup plus attentive en cours... Je ne connaissais la prose de cet auteur qu'à travers ses nouvelles, je le découvre à présent dans le cadre d'une biographie, et le charme a opéré de la même manière que pour ses récits de fiction. Il est capable de porter des faits historiques avec une langue tellement simple et vivante qu'on croirait lire un roman d'aventure. Charmée, je l'ai été. Par la forme d'abord. C'est un délice que de prendre une leçon d'histoire de cette manière. Par le fond aussi.

Mais revenons à la genèse de cet ouvrage. Ce livre est " né d'un sentiment peu courant, mais très énergique, la honte ". Zweig se rend au Brésil à bord d'un paquebot. Durant cette traversée de l'océan Atlantique, l'écrivain s'impatiente de la longueur du trajet et culpabilise dans le même temps de ce sentiment qu'il éprouve en songeant aux conditions de vie des hommes qui prenaient la mer aux siècles précédents. Dans la bibliothèque présente à bord, il consulte des ouvrages relatant les premiers longs voyages en mer. Celui de Magellan lui fait grande impression, et de retour en Europe, il se met en quête d'autres livres sur le sujet.  Il ne rencontre que frustration : " Et comme cela m'est déjà arrivé plusieurs fois je compris que le meilleur moyen de m'expliquer à moi-même quelque chose  qui me paraissait inexplicable était de le décrire et de l'expliquer à d'autres. " Ainsi naît le texte Magellan. Je ne sais pas si Zweig y a vu plus clair après avoir écrit ce livre, mais pour la lectrice que je suis, la démonstration a été magistrale, un texte instructif et passionnant.

Après un retour sur l'origine des premiers voyages maritimes, à  savoir la course aux épices, il dresse le portrait de cet homme dont le nom ne m'évoquait jusqu'à présent que celui d'un détroit : " ce petit homme effacé et taciturne ne possédait à aucun degré l'art de se faire aimer des grands ni de ses inférieurs ". Un homme, qui, au moment d'entreprendre le voyage qui le rendra célèbre, est rompu aux techniques que doit maîtriser un navigateur digne de ce nom. " Dix années d'expérience l'ont formé à toutes les techniques militaires, il s'entend à manier l'épée et l'arquebuse, la boussole et le gouvernail, à larguer la voile et à tirer le canon. Il sait lire et tracer un portulan, jeter la sonde aussi bien qu'un vieux pilote et se servir des instruments de bord avec autant de précision qu'un " maître de l'astrologie ". " Il a parcouru les différentes mers du globe, essuyé tempêtes et combats et découvert d'autres cultures.

A présent il a un rêve, celui de rallier les îles aux épices depuis le Portugal en naviguant d'est en ouest et tenter de découvrir un passage entre l'Atlantique et le Pacifique. Ce projet ne séduit pas son monarque qui se détourne de lui, et Magellan va alors se tourner vers le roi d'Espagne qui lui apporte son soutien. " En l'espace de quelques semaines le sans-patrie qu'il était, l'homme méprisé, sans situation est devenu capitaine-général d'une flotte de cinq navires, chevalier de l'ordre de Santiago, futur gouverneur de toutes les îles et terres qu'il découvrira, maître absolu d'une Armada et avant tout maître, pour la première fois, de son destin. " Le rêve du navigateur portugais prend enfin forme, mais les préparatifs sont longs. Il faut penser à tout, ne négliger aucun détail dont l'oubli pourrait se révéler fatal en mer, et prévoir de quoi subsister durant plusieurs mois, voire plusieurs années, pour 265 hommes. " L'alpha et l'oméga de toute nourriture, c'est le biscuit du marin : Magellan en a fait embarquer 21 380 livres [...] selon toute prévision, cette quantité devrait suffire pour deux ans. " Il faut également penser aux navires et à leur équipement, car " les navires sont eux aussi des êtres vivants, qui, à chaque voyage par-delà les mers, usent une partie de leur force de résistance ".
Enfin, l'heure du grand départ a sonné, Magellan lève l'ancre et laisse femme et enfant derrière lui. Quand il entame son voyage à bord de la Trinidad, il ne sait pas ce qui l'attend. Ce seront presque trois années de lutte et de recherches, ponctuées par les mutineries, la famine et les tempêtes. Magellan est un dur à cuir qui obéit à un certain code d'honneur, " une nature rude qui fait régner une discipline de fer dans sa flotte ". Cette traversée interminable va finalement aboutir à la découverte du fameux détroit plus tard baptisé du nom du navigateur.
La dernière étape du voyage doit permettre de rejoindre l'archipel des Moluques en Indonésie, mais ce sera sans Magellan qui mourra avant d'atteindre les îles tant espérées.
Partie de Séville trois ans auparavant, l'expédition de Magellan rejoindra son port d'attache amoindrie mais victorieuse. Ce seront 18 hommes épuisés à bord d'un navire disloqué qui boucleront de tour du monde " à l'envers ".
La découverte du détroit de Magellan est l'aboutissement d'une vie et d'un rêve mais elle ne sera pas reconnue à la hauteur des sacrifices humains qu'elle a engendrés. La percée du canal de Panama achèvera de l'enterrer. Pourtant, ce tour du monde restera une des prouesses de l'histoire de la navigation. Et Zweig de conclure : " Mais ce n'est jamais l'utilité d'une action qui en fait la valeur morale. Seul enrichit l'humanité, d'une façon durable, celui qui en accroît les connaissances et en renforce la conscience créatrice. "

Un récit admirablement écrit et construit qui fait voyager (dans le temps et dans l'espace) par procuration.  Zweig a su restituer l'essence même de la vie du célèbre navigateur, c'est tout simplement fascinant.



Grasset (collection Bibliothèque Grasset) - 1242 pages

84, Charing Cross Road (Helene Hanff)

dimanche 15 novembre 2009

84, Charing Cross Road est un roman épistolaire bâti à partir des lettres échangées entre l'auteur vivant au Etats-Unis et une librairie "spécialisée dans les livres épuisés" située en Angleterre. Pendant près de vingt années Helene Hanff va correspondre avec un certain Frank Doel chargé de faire des recherche pour elle. En vérité, il me semble que le terme "caprices" conviendrait mieux ici que celui de "recherches", mais ce n'est là que mon avis très subjectif.
J'avais choisi ce titre après avoir lu de nombreux billets élogieux à son sujet. Je dois dire que cette lecture me laisse perplexe et qu'en toute honnêteté je me demande bien comment pareil livre peut se retrouver dans une liste de trésors littéraires à côté de réels chefs-d'œuvre... Les voies des lecteurs sont impénétrables !
Sans aller jusqu'à dire que je n'ai pas aimé ce roman, sa lecture ne m'a pas transportée et m'a laissée totalement indifférente. Enfin pas totalement, parce que le ton des lettres d'Helen Hanff m'a parfois exaspérée. C'est sensé être de l'humour, moi ça ne m'a pas fait sourire. Et ce pauvre Frank Doel qui répond toujours avec le même flegme et la même courtoisie anglais, au bout de quelques pages ça a commencé à m'agacer un tantinet...
Quant à cette histoire assez incroyable de correspondance entre deux êtres de chaque côté de l'Atlantique, et bien elle ne m'a pas touchée le moins du monde. C'est soit-disant un éloge à l'amour des livres, moi je n'y ai vu que l'expression de l'égocentrisme. Imperméable je suis restée. Et cette avalanche de noms d'auteurs classiques qui me sont totalement inconnus n'a rien fait pour raviver mon intérêt, malheureusement.
Bref, ma critique est dure mais le seul qualificatif qui me vient à l'esprit en songeant à cette lecture ratée c'est "gentillet".


Lecture commune avec Mariel, Herisson08 et Cynthia


Autrement Littératures (collection Le livre de poche) - 156 pages

La gloire de mon père ~ Le château de ma mère (Marcel Pagnol)

jeudi 24 septembre 2009

Encore un ouvrage qui séjournait depuis belle lurette dans ma bibliothèque.

J'avais un a priori négatif avant d'entamer cette lecture. Je ne sais pour quelle raison, je m'imaginais une écriture assez "brute", dépourvue de finesse. Ma surprise a donc été totale de découvrir une plume délicate. L'écriture de Marcel Pagnol est vraiment très belle et dépeint à merveille les émois et ressentis de l'enfance. Le récit bourré d'humour est très plaisant à lire, et finalement ces deux romans autobiographiques se lisent comme une aventure de fiction.

Une jolie découverte donc, mais qui ne m'a pas totalement transportée. Il me semble que c'est typiquement le genre d'écrit que l'on apprécie peut-être davantage à la fin de l'enfance ou au début de l'adolescence.
Quoiqu'il en soit, je suis ravie de savoir enfin ce que c'est que la gloire de mon père et je ne regrette en rien cette lecture. 

En guise de conclusion, je vous propose un très court extrait que l'on retrouve à la fin du Château de ma mère et qui m'a beaucoup émue :

Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins.
Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants.

Lecture commune avec Kali et Fleur

France Loisir - 370 pages

L'amant (Marguerite Duras)

mardi 1 septembre 2009

Depuis que j'avais vu, il y a quelques années, son adaptation au cinéma, j'avais envie de découvrir ce roman et par la même occasion la plume de son auteur dont je dois avouer que je n'avais jamais rien lu.

Ma lecture achevée, j'ai ressenti à la fois de l'étonnement et de l'émotion.

Étonnement car je ne m'imaginais pas que cette histoire fut vraie et parce que je m'attendais à un récit sur l'amour et son côté charnel. Mais émotion au final, car ce récit est magnifique.

Le style d'écriture qui m'a d'abord déroutée ne m'a pas gênée bien longtemps et j'ai vite pénétré dans les souvenirs de l'auteur lorsqu'elle habitait en Indochine, cette rencontre avec celui qui devint l'amant et cette violence familiale qui s'entremêlent étroitement. La douleur est présente tout au long du livre mais ne fait qu'en exacerber la beauté.

Mon seul regret, que ce roman autobiographique soit si court... j'aurais aimé m'imprégner davantage de cette atmosphère du Saigon des années trente, ses paysages, son climat...

Les avis des précédents maillons de la chaîne : celui de BlueGrey qui fait voyager ce livre, ceux d'Argantel, Emmyne, Yohan, Virginie, Ys, Lau, Lune, et Karine.   

Lu dans le cadre de la chaîne des livres

Editions de Minuit - 141 pages

Courir (Jean Echenoz)

mardi 9 juin 2009

Le thème même de ce roman - la course à pied - n'avait rien pour me séduire. Comme disait ma mère : "courir, pour quoi faire ?!". Fin de l'aparté. Par ailleurs, lire la biographie d'un athlète des années 40 ne m'enthousiasmait pas davantage... Bref, c'était mal parti avec Courir, et pourtant cette lecture s'est révélée plutôt agréable et quelque peu instructive.

Emil Zátopek, coureur de fond tchécoslovaque qui s'est illustré dans sa discipline une décennie durant et a remporté de nombreux titres est donc le personnage central de ce livre.
Après une brève introduction nous présentant la jeunesse de Zátopek et ses débuts dans la course à pied, l'auteur consacre l'essentiel de son ouvrage à la période dorée de l'athlète, celle où il se fait connaître et devient un des meilleurs de sa discipline (pour ne pas dire le meilleur). Les dernières pages dévoilent la fin de carrière du champion et son asservissement par un régime soviétique totalitaire. C'est un peu l'histoire de Cendrillon à l'envers, après avoir été un athlète reconnu dans le monde entier, Zátopek retombe dans l'anonymat.

Courir est un ouvrage qui présente un double intérêt : entrevoir le contexte historico-politique de l'époque dans les pays de l'est et suivre le parcours d'un athlète de haut niveau.

J'ai toutefois regretté le ton un peu léger de l'écriture et la longueur du texte qui me paraît inadaptée à ce type d'écrit (mais cette remarque n'engage que ma propre sensibilité, car je ne pense pas que le but recherché par l'auteur était justement de produire une biographie fouillée du personnage). Courir est à cheval entre le roman et la biographie, et je crois que si ce style facilite la lecture, il m'a empêchée de me plonger complètement dans cette histoire vraie.

Néanmoins, Jean Echenoz a su capter mon attention avec un ouvrage qui, a priori, n'était pas du tout destiné à la lectrice que je suis. Pour cela, je dis bravo !

Les avis de Catherine, Chatperlipopette et Amanda


Lu dans le cadre du Prix des lecteurs du Télégramme

Editions de Minuit - 141 pages

Les années (Annie Ernaux)

dimanche 31 mai 2009

Pour définir cet ouvrage, je reprendrai les mots de l'auteur qui le qualifie elle-même "d'autobiographie impersonnelle". Je trouve que l'expression est jolie et décrit à merveille Les années.
A partir de photographies personnelles, Annie Ernaux revient sur ses années, depuis sa naissance jusqu'à nos jours. La vie de l'auteur n'est qu'un point de départ pour nous conduire vers une mémoire collective. Année après année, ressurgissent des événements marquants en France ou dans le monde, mais aussi des images, des chansons, des films, des ouvrages... Les générations défilent et le monde évolue, change. Avancée de la technologie, évolution des mœurs, de la condition des femmes et des familles, bouleversements politiques, faits divers, disparitions d'hommes célèbres, autant d'éléments qui restent gravés dans la mémoire individuelle comme collective et participent de la construction des individus que nous sommes.
Si le texte est linéaire et ne laisse pas souffler avec un enchaînement ininterrompu de paragraphes, le style d'écriture est limpide et la lecture très fluide.
Il est bien difficile de décrire un tel livre qui ne s'apparente à aucun autre et pourtant il ne faut pas passer à côté de ce témoignage magnifique sur notre histoire. Un regard à la fois pudique et sensible, une réflexion sur l'évolution de la société, sur la vie en général, les générations.
Un livre multiple et dense qu'il me faudra sans-doute relire un jour.

J'ai été totalement sous la charme de cette plume superbe ; une fois la dernière page tournée, c'est une immense gratitude doublée d'un profond respect pour Annie Ernaux qui m'ont envahie.

Yohan, merci infiniment pour le prêt.

Les avis de Lune, Cathulu et Levraoueg qui l'emporterait bien sur une île déserte !

Lu dans le cadre du Prix des lecteurs du Télégramme

Gallimard - 241 pages

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