Une fois de plus Blondel est venue me cueillir avec ses mots. Coup de coeur. Dès la première page, j'ai été absorbée par le texte et je n'ai plus lâché le livre. 
Un ouvrage sur la couverture duquel on peut lire l'inscription "roman", sauf que ça n'en est pas vraiment un... L'auteur livre ici une tranche de sa vie, l'un de ces moments intimes et denses, si difficiles à raconter. 

L'histoire démarre avec le décès de son père. Il a alors vingt-deux ans et quatre ans auparavant, sa mère et son unique frère ont été tués dans un accident de voiture. Quatre petites années et il se retrouve seul et sans attaches.
Jean-Philippe Blondel s'excuse presque de cette situation improbable :

C'est ridicule.
Personne ne perd son frère et sa mère, puis quatre ans plus tard, son père - à l'âge de vingt-deux ans.
Ça n'arrive jamais, ce genre de choses. Même dans les romans. Il y a une limite à l'indécence, quand même. Le romancier plonge son héros dans la tragédie, il ne va pas en rajouter une couche. Il est sur le point d'ajouter un troisième décès, et puis il se reprend : " Ah non, honnêtement, c'est impossible, il faut que je trouve autre chose. "

Sauf qu'ici il ne s'agit pas de fiction.
Après le décès de son père, l'auteur n'a plus qu'une idée en tête, partir. Aller en Californie et se rendre à Morrow Bay, une ville dont parle Lloyd Cole dans sa chanson Rich qu'il écoute en boucle à l'époque.
Et le voilà de l'autre côté de l'Atlantique avec son ex petite amie et son meilleur ami, Laure et Samuel. 

C'est à la fois le récit d'un voyage sur un autre continent et celui d'un voyage intérieur qui nous sont relatés en une dizaine de courts chapitres. 
J'ai déjà lu plusieurs romans de Jean-Philippe Blondel et c'est sans hésitation que j'ai emprunté celui-ci à la bibliothèque. Je l'ai vu et je me suis dit : " chic, un nouveau Blondel ". Sauf que je ne me souvenais plus que c'était un roman autobiographique. J'ai eu une petite appréhension et puis je l'ai ouvert. Et je ne l'ai plus refermé, enfin si, à la fin. J'ai aimé découvrir ce passé même s'il est triste. J'ai aimé, que dis-je, j'ai adoré cette écriture. Un style parfaitement juste. L'auteur explique dans plusieurs interviews la difficulté qu'il a eue et le temps qu'il a mis avant de trouver le bon ton, celui qui saurait énoncer ces instants tragiques sans sombrer dans le pathos. Mission réussie. Pas de pathos mais une véritable émotion, une pureté dans les mots, ces phrases courtes, ces métaphores si parlantes. Il n'y a pas de descriptions exhaustives, d'insistance sur les sentiments ressentis. Blondel ne s'embarrasse pas de cela, il va à l'essentiel et délivre son message sans détour. On peut ne pas aimer ce style. Moi il me transporte, me happe dès les premières lignes. Je ne sais pas comment exprimer ce que j'ai éprouvé en lisant ce livre, mais j'ai eu l'impression d'entrer en communion avec lui. C'est simple, mais tellement bien écrit.

Et rester vivant est un roman intime, très personnel. Il ne touchera pas tous les lecteurs mais il déversera sa douce magie sur quelques uns. Il apporte un éclairage sur les romans précédents de l'auteur et vient en quelque sorte boucler un cycle d'écriture. Un livre qui n'a pas dû être évident à écrire mais qu'il aurait été dommage de garder sous silence. 

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Deux interviews de l'auteur à propos de Et rester vivant : celle réalisée par la librairie Mollat, celle réalisée par France Culture

Les impressions de SylireLaure et Laurence

Buchet Chastel
244 pages, septembre 2011