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dimanche 15 février 2015

Nord et sud (Elizabeth Gaskell)

9782757820902_1_75.jpgCe roman patientait depuis fort longtemps... Puis j'ai regardé la série BBC qui en est adaptée et j'ai eu très envie de lire le livre. 
Ça a été l'occasion d'une lecture commune à plusieurs, lecture, qui bien qu'ayant démarré sous de bons auspices a été fortement entachée par les événements de janvier.
J'ai eu la chance de lire ce roman rapidement et de le terminer avant les attentats, ce qui, je pense, m'a permis de l'apprécier pleinement. Malheureusement toutes mes camarades de lecture n'ont pas eu la même veine.
Revenons au livre. C'est un titre célèbre, sans doute le plus connu de l'auteur. Sa réputation a précédé sa lecture. 
Margaret Hale, fille de pasteur, a grandi dans l'Angleterre du sud. Un jour, sa famille déménage pour aller s'installer dans le nord. Changement de décor. C'est une ville austère au climat maussade, envahie par les usines de filature de coton, bref un univers fort différent de celui auquel Margaret a été habituée. Bien vite, elle est confrontée à la pauvreté des ouvriers et prend leur parti. Cependant, malgré sa vision négative du patronat, Margaret va petit-à-petit découvrir en John Thornton, propriétaire d'une filature, un homme qu'elle apprécie et auquel elle reconnaît des qualités. Dans le même temps, sa vie personnelle prend un tournant dramatique et au fil des pages la jeune femme endure pertes et chagrins qui se succèdent. 
Au sein de notre petit groupe de lectrices, les avis diffèrent quant à ce roman. Pour ma part, je suis de celles qui ont aimé. Peut-être est-ce le visionnage de la série avant lecture qui a influencé de façon positive celle-ci, peut-être pas. Toujours est-il que j'ai vraiment apprécié ce roman, malgré sa longueur, malgré certains personnages horripilants, malgré la tournure des événements, malgré le trop peu de romance. J'aime l'écriture de Gaskell, et une fois encore j'ai été embarquée. Il se dégage de ses écrits un charme désuet qui me séduit à chaque fois. Certains passages sont, certes, un peu longuets, mais dans l'ensemble je ne me suis pas ennuyée une seconde dans cette lecture et j'ai eu l'impression d'être dans une bulle, transportée à une autre époque, comme partie prenante dans l'histoire que je lisais. C'est un roman dense, assez moderne pour l'époque puisqu'il nous parle des mouvements sociaux et des rapports entre patronat et employés. L'auteur semble connaître son sujet car elle détaille avec précision les conditions de travail, les réflexions du patronat et les relations entre les deux parties. Certains dialogues sur le sujet se révèlent très intéressants. L'intrigue amoureuse, quant à elle, est un peu frustrante pour le lecteur mais il faut se montrer patiente et lire entre les lignes les sentiments qui ne sont pas exprimés ouvertement. 
Un très beau texte qui m'a confirmé combien j'aime Elizabeth Gaskell.

Les billets des copines : Cess, Sandy, Lily, Syl 

Titre original : North and south
Traduit de l'anglais par Françoise du Sorbier
Points, 685 pages, 1998 pour l'édition originale utilisée, 2005 pour la traduction française

mercredi 25 avril 2012

Les confessions de Mr Harrison (Elizabeth Gaskell)

ConfessionsMrHarrison.jpgCe roman n'est pas sans rappeler Cranford du même auteur. Comme ce dernier, il brosse le portrait peu reluisant d'une société empreinte de rigueur et de conformisme. Il s'en distingue néanmoins par sa trame narrative, puisqu'ici, il n'est question que d'un personnage central tandis que dans Cranford nous suivions plusieurs histoires en une.

Mr Harrison est un médecin célibataire dont la venue dans la bourgade de Duncombe va émoustiller et réveiller les ardeurs de la gent féminine. Rapidement, des rumeurs vont circuler à son sujet et le jeune homme aura bien du mal à s'en défaire. Ce qui se révélera d'autant plus fâcheux que Mr Harrison a jeté son dévolu sur la fille du pasteur.
Une fois encore, je ressors de cette lecture totalement conquise par la plume de Madame Gaskell dont le talent, je le pressens, n'a pas fini de me séduire. 
Là où d'autres ne feraient qu'ennuyer le lecteur, elle sait, au contraire, rendre intéressant le moindre évènement anodin. Les personnages sont présentés de façon fort peu flatteuse, les situations sont souvent cocasses et rien n'échappe à l'auteur. Une peinture au vitriol de cette époque victorienne prisonnière d'un code de conduite frisant parfois avec le ridicule. Et pourtant, on se surprend à ressentir une certaine tendresse pour ces victimes de la bienséance.

Une lecture délicieusement mordante. 


Clarabel était conquise, elle aussi.



2


3/12

Titre original : Mr. Harrison's Confessions
Traduit de l'anglais par Béatrice Vierne
L'Herne, 142 pages, 2010 pour la présente édition, 1851 pour la version originale

lundi 27 février 2012

Cranford (Elizabeth Gaskell)

Ne vous fiez pas à cette couverture jaune fluo, ce roman est le deuxième d'Elizabeth Gaskell et fut d'abord publié sous forme de feuilleton dans le magazine Household Words publié par Charles Dickens (excusez du peu !). 

Habituellement, je ne fais pas particulièrement attention à l'incipit quand j'entame une lecture, mais pour une fois les premiers mots m'ont marquée :

Disons, pour commencer, que Cranford est aux mains des Amazones...

D'emblée j'ai plongé dans l'atmosphère de ce petit village d'Angleterre occupé (presque) que par des femmes vivant au rythme d'une routine bien installée. Mais au bout de quelques pages, j'ai ressenti une sorte de lassitude, j'avais quitté Cranford et ses salons et ne parvenais plus à y retourner. J'ai donc laissé reposer ce roman quelques jours avant de le reprendre. Cette fois, c'était pour de bon, et j'ai pris énormément de plaisir à lire ce roman délicieux

Cranford n'est pas un roman à proprement parler, il n'a pas d'intrigue principale, de fil conducteur. Il est construit comme un ensemble de tableaux successifs liés entre eux mais pouvant s'apprécier indépendamment les uns des autres. L'histoire nous est contée par Mary Smith (dont l'identité n'a pas d’intérêt particulier, c'est simplement pour la nommer), une jeune femme qui passe régulièrement des séjours de plusieurs semaines dans la bourgade de Cranford auprès de ses amies vieilles filles, Matty et Deborah Jenkyns. La narratrice détaille le quotidien de ce village, ses habitantes, leurs habitudes, leurs moeurs, les relations plus ou moins amicales, les convictions, les manies, tous ces petits riens qui font le sel de la vie à Cranford. Dans le fond il ne se passe justement rien d'extraordinaire dans ce village, et lorsque le lecteur referme le roman il laisse derrière lui les personnages quasiment inchangés. Or c'est précisément la force de l'écriture de Madame Gaskell, celle de rendre captivant le moindre détail, les choses de la vie qui sous une autre plume pourraient paraître ennuyeuses. Plus que cela, l'auteur pose son regard mordant sur cette société conventionnelle où les dames sont prisonnières de l'étiquette. Le résultat est un roman admirablement écrit, fascinant et ironique par bien des aspects. Exquis.

Si vous voulez voyager dans le passé et aller prendre le thé en compagnie de ces dames, lisez Cranford, vous ne serez pas déçus ! Dans un tout autre registre que Femmes et filles, Elizabeth Gaskell a su m'enchanter une nouvelle fois.

" Votre seigneurie s'est-elle rendue à la cour, dernièrement ? " demanda-t-elle. Et aussitôt, elle adressa un petit coup d'oeil à la ronde, moitié penaud, moitié triomphant, comme pour dire : " Voyez de quelle manière judicieuse j'ai choisi un sujet qui convient au rang de notre visiteuse ! "
" Je n'y ai jamais mis les pieds de toute ma vie ", déclara Lady Glenmire avec un fort accent écossais, mais d'une voix très mélodieuse. 

A l'évidence, le sucre était l'économie favorite de Mrs Jamieson. Je gagerais volontiers que la pince à sucre en filigrane, qui ressemblait plutôt à une paire de ciseaux à broder, n'aurait jamais pu s'écarter suffisamment pour saisir un de nos honnêtes et vulgaires morceaux de taille ordinaire ; d'ailleurs, lorsque j'essayai de prendre d'un coup deux des petits morceaux miniatures, afin qu'on ne me vît pas plonger de trop nombreuses fois dans le sucrier, elle en lâcha un d’office, avec un petit claquement sec et une malveillance délibérée.

" Je ne cherche pas à nier que les hommes peuvent être un vrai fardeau dans une maison. Je n'en juge pas d'après ma propre expérience, car mon père était le soin incarné et il s'essuyait les pieds sur le paillasson avec autant de méticulosité qu'une femme ; mais il n'empêche qu'un homme possède une espèce de savoir de ce qu'il convient de faire face aux difficultés et il est fort agréable d'en avoir un sous la main sur lequel s'appuyer. "


1


2/12

Elles l'ont lu : Karine, Yueyin

Titre original : Cranford
Traduit de l'anglais par Béatrice Vierne
L'Herne, 271 pages, 2009 pour la présente édition, 1851 pour la version originale

samedi 14 août 2010

Femmes et filles (Elizabeth Gaskell)

Il m'a enfin été donné de découvrir la plume d'Elizabeth Gaskell avec celui qui fut son dernier roman. Son auteur étant morte de manière brutale en novembre 1865, Femmes et filles demeura inachevé, et cela est d'autant plus frustrant qu'il manque à peine un chapitre pour en clore l'histoire... 
Mais que cette frustration n'empêche pas les lecteurs d'ouvrir ce livre, car alors, ils se priveraient d'un bijou.

Femmes et filles qui se déroule dans l'Angleterre rurale des années 1820 met en scène une héroïne qui répond au doux nom de Molly. Une jeune personne droite, au caractère entier, fidèle à elle-même et à ceux qu'elle aime. Autour d'elle, gravite un ensemble de personnages tous différents et passionnants, qui participent à la construction de ce portrait de la société de l'époque.

Premier constat, ce roman se mérite et je me suis demandée si j'allais en venir à bout. Il est vrai que le texte est très long et que le format que j'avais entre les mains n'était pas aisément manipulable.
Deuxième constat, la langue est délectable et j'ai alors décidé de prendre tout mon temps pour savourer pleinement ce récit, ce que je ne regrette pas un instant. Je profite d'ailleurs de ce billet pour rendre tout l'hommage qu'elle mérite à Béatrice Vierne, la traductrice, qui a fait un travail formidable. Je n'ai pas lu ce roman dans sa langue originale, mais cette version traduite en français est remarquablement écrite.

Dans Femmes et filles, Elizabeth Gaskell, à travers l'histoire de cette jeune Molly, dépeint une société et ses travers d'une façon qui m'a semblé résolument moderne. On nous y parle d'amour, d'amitié, de constance dans les sentiments, des positions sociales des uns et des autres, de sciences, de littérature, de la maladie... ce roman aborde une multitude de sujets et nous offre une vision drôle et cynique à la fois.

Imaginez un instant que vous prenez le thé dans un salon du château de Cumnor. Les jeunes femmes sont assises bien droites dans leurs fauteuils, leurs tenues impeccables. Démarre alors une conversation où il est question des dernières rumeurs concernant les villages alentours. On y découvre ainsi les secrets les plus intimes de certains habitants. Il y est questions de scandales, de demandes en mariages accordées puis retirées, d'inconstance... Sur fond de révélations surprenantes, on entend le bruissement des robes de taffetas et le tintement des tasses. Vous êtes dans l'Angleterre victorienne.

Inutile de vous dire combien j'ai aimé ce livre, vous vous en doutiez, j'imagine. Un roman remarquable de lucidité sur une époque qui me fascine. L'écriture est admirable, subtile. Un régal, un de ces textes qui faut déguster avec lenteur pour en savourer toute l'essence.

Je compte bien, après cette première lecture, continuer de découvrir l'univers de Mme Gaskell, mais toujours en prenant mon temps.

Une belle, une très belle rencontre.


Lu dans le cadre de l'opération Masse critique de Babélio

Merci à l'éditeur L'Herne et à Babélio pour l'envoi de ce livre !


Titre original : Wives and daughters
Traduit de l'anglais par Béatrice Vierne
L'Herne, 651 pages, 2005 pour la présente édition, 1865 pour la version originale