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lundi 23 mars 2015

Charlotte (David Foenkinos)

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Avec ce dernier titre en date, David Foenkinos change radicalement de genre. Charlotte est une biographie (et non pas un roman comme indiqué sur la couverture...) de l'artiste peintre allemande Charlotte Salomon, personnage qui fascine depuis longtemps l'auteur. C'est un ouvrage qui a mûri plusieurs années dans sa tête avant qu'il ne se décide enfin à l'écrire pour de bon. 
Ce qui frappe d'emblée bien sûr, c'est cette mise en page particulière, cette écriture faite de phrases courtes, ces retours perpétuels à la ligne qui donnent un rythme à la lecture. Un peu comme une respiration, le lecteur enchaîne les phrases, presque à bout de souffle. C'est très étrange comme sensation, c'est comme si l'auteur était à vos côtés entrain de vous dire cette histoire, de vous la chuchoter à l'oreille. Un style qui convient parfaitement au sujet du livre. 

Pendant des années, j'ai pris des notes.
J'ai parcouru son oeuvre sans cesse.
J'ai cité ou évoqué Charlotte dans plusieurs de mes romans.
J'ai tenté d'écrire ce livre tant de fois.
Mais comment ?
Devais-je être présent ?
Devais-je romancer son histoire ?
Quelle forme mon obsession devait-elle prendre ?
Je commençais, j'essayais, puis j'abandonnais.
Je n'arrivais pas à écrire deux phrases de suite.
Je me sentais à l'arrêt à chaque point.
Impossible d'avancer.
C'était une sensation physique, une oppression.
J'éprouvais la nécessité d'aller à la ligne pour respirer.

Alors j'ai compris qu'il fallait l'écrire ainsi.

Finalement, l'auteur est très peu présent dans le livre ; il fait preuve de pudeur et de respect et sait s'éclipser quand nécessaire.
L'histoire de Charlotte Salomon est à la fois passionnante et troublante. Elle a un passé familial lourd, elle est juive allemande et va en payer un lourd tribut lors de la seconde guerre mondiale, et par dessus tout elle est habitée par son art qui ne la quittera jamais.

J'ai beaucoup aimé Charlotte, pour la passion exprimée par l'auteur, pour son écriture très belle et poétique d'une certaine manière, pour son histoire que je ne connaissais pas et que je suis heureuse d'avoir découverte.

Une belle lecture.

(A noter que Charlotte a obtenu deux prix en 2014, le Prix Renaudot et le Prix Goncourt des lycéens.)  

Gallimard (Blanche), 220 pages, 2014

lundi 30 mai 2011

La délicatesse (David Foenkinos)

Quand on a une copine qui a un auteur chouchou et qui ne jure (presque) que par lui, on se sent un peu obligée de le lire. Quand en plus elle vous offre l'un de ses romans, difficile de se défiler ! Il aura patienté longtemps ce livre, et puis l'autre jour j'ai eu envie de l'ouvrir, comme ça, sous le coup d'une impulsion.
Et bien ma chère Caroline, je te remercie pour cette belle découverte, maintenant je sais pourquoi tu aimes la plume de David Foenkinos !

Nathalie est une jeune femme amoureuse et mariée qui se retrouve veuve un beau matin, dans la fleur de l'âge. Pour étouffer son chagrin, elle se lance à corps perdu dans son job, elle oublie sa vie sociale et affective. Des hommes vont passer dans son sillage mais elle ne peut plus aimer.
A partir d'un thème grave, l'auteur construit une histoire sans pathos, avec humour et légèreté. Je viens de faire connaissance avec le style de Foenkinos alors je ne sais s'il est représentatif de l'ensemble de son oeuvre, mais dans La délicatesse, son écriture est à la fois originale, drôle et directe. Il nous assène des vérités évidentes avec une ironie mordante que j'ai tout simplement adorée. Il faut ajouter à cela des chapitres intermédiaires disséminés tout au long de l'histoire dans lesquels on retrouve des miscellanées en rapport avec l'histoire. C'est à la fois déroutant et bourré d'humour.
Un roman qui se lit comme on boit du petit lait, à savourer tant il y a de bon mots dans ces pages bien trop courtes. Première rencontre réussie, je retrouverai cet auteur avec grand plaisir, c'est dit !

Il y a une hiérarchie de l'obligation de la joie, et le mariage est au sommet de cette pyramide. Il faut sourire, il faut danser et, plus tard, il faut pousser les vieux  à aller se coucher.

* * *

Il y avait encore dans chaque jour entre eux des traces de leur premier jour.

* * *

Le livre était ainsi coupé en deux ; la première partie avait été lue du vivant de François. Et à la page 321, il était mort. Que fallait-il faire ? Peut-on poursuivre la lecture d'un livre interrompu par la mort de son mari ?

* * *

A cause de la moquette, on n'entendait pas le bruit de ses talons aiguilles. La moquette, c'est le meurtre de la sensualité. Mais qui a bien pu inventer la moquette ?

* * *

Les enfances en Suède ressemblent à des vieillesses en Suisse.

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Nathalie aussi semblait heureuse. Mais au théâtre, c'est difficile de savoir : parfois, les gens paraissent heureux, pour la simple et bonne raison que le calvaire s'achève enfin.

Les avis de Caroline, Fashion, Theoma, Kali, Karine, Pimpi


Gallimard, 200 pages, 2009