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mercredi 13 décembre 2017

Tortues à l'infini (John Green)

9782075097444FS.gifLes visiteurs réguliers de ce salon savent à quel point Nos étoiles contraires, ma première rencontre avec l'oeuvre de John Green, a été pour moi une grande claque et un immense coup de cœur. Pour autant, je ne me suis pas précipitée pour découvrir d'autres titres de l'auteur, j'ai préféré prendre mon temps. J'ai donc lu l'an dernier Looking for Alaska (Qui es-tu Alaska ?) que j'ai beaucoup aimé. Et cette année, j'ai eu envie de lire son tout dernier roman. Sorti cinq ans après Nos étoiles contraires, Tortues à l'infini était très attendu par les millions de lecteurs de l'auteur, dont je fais partie. 

Il ne s'agit pas d'un livre comme les autres dans la biographie de John Green, mais de l'aboutissement d'un cheminement personnel. Ce récit, certes fictif, est bâti autour d'un sujet difficile, une maladie dont souffre l'auteur, le trouble obsessionnel compulsif. A travers ce livre, il s'est donc d'une certaine manière mis à nu, et son écriture n'a pas dû être simple ; on comprend mieux la longue attente avant cette publication.

Aza Holmes est une jeune lycéenne en apparence ordinaire, qui souffre d'une pathologie psychique. Des pensées obsessionnelles lui pourrissent l'existence et l'empêchent d'avoir des relations avec autrui. Même sa meilleure amie Daisy a parfois du mal à supporter son comportement.  Lorsque l'histoire débute, Aza apprend que le père d'un ancien copain vient de disparaître mystérieusement. Comme il s'agit d'un milliardaire, une prime de cent mille dollars est en jeu, et Daisy décide de mener l'enquête avec Aza.

Si mon résumé vous donne l'impression que Tortues à l'infini est un roman policier, détrompez-vous, car ici la partie enquête n'est qu'un prétexte pour la suite et passe rapidement au second plan. En réalité, c'est un roman centré sur la quête d'identité et la douleur psychique. Pas très gai me direz-vous. Mais avec John Green, tous les sujets, même les plus graves, sont traités sans pathos. La pilule de la gravité passe mieux avec son écriture décalée et cynique. 

Une fois encore, c'est ce que j'ai apprécié dans ce nouveau livre. John Green a un style unique et une acuité incroyable qui rendent ses histoires plus percutantes que si elles étaient écrites par un autre. Cela ne signifie pas que j'aime tout ce qu'il écrit, mais que je trouve toujours son écriture exceptionnelle, quel que soit le roman. Ce fut donc ici le cas, j'ai éprouvé un vif plaisir à "relire du John Green" alors que dans le fond, j'ai moyennement aimé ce roman.

Au moment d'écrire cette chronique et de réfléchir aux arguments que j'allais avancer pour expliquer le sentiment de légère déception que j'ai ressenti au sortir de cette lecture, j'ai eu dû mal à mettre précisément le doigt sur ce qui m'a déplu ou manqué.
Je crois que j'ai eu du mal à m'attacher aux personnages alors qu'ils ne sont pourtant pas banals. Disons que, étant donné le sujet du roman, je m'attendais à un ascenseur émotionnel à l'instar de Nos étoiles contraires. Or, cela n'a pas été le cas, j'ai mis les deux tiers du bouquin avant de  ressentir de vraies émotions et de l'empathie pour Aza. Jusque-là, je suis restée en dehors, incapable de m’immerger dans le récit. Et je ne sais pas pourquoi, car très honnêtement, l'écriture de John Green est percutante comme dans ses autres romans.
Dans la dernière partie, j'ai ressenti une intensité grandissante et beaucoup aimé la fin. Malheureusement, cela n'a pas suffi à "compenser" le reste.

C'est donc un avis mitigé que j'émets vis-à-vis de ce roman.
Un sujet difficile traité avec pudeur et brio, une écriture incroyable, un univers étonnant, des personnages forts, Tortues à l'infini possède tout cela, c'est un très bon livre, mais je suis restée en dehors pendant la majeure partie du temps.

Si vous aussi vous l'avez lu, j'aimerais échanger avec vous sur cette lecture. Qu'en avez-vous pensé, qu'est-ce qui vous a plu/déplu ?

Vous avez peut-être déjà été amoureux. Je veux dire vraiment amoureux, d'un amour que ma grand-mère décrivait en citant la Première Lettre de saint Paul aux Corinthiens qui dit que l'amour est patient et plein de bonté, qu'il n'est point envieux ni vantard, qu'il croit tout, qu'il espère tout, qu'il supporte tout. Je n'aime pas trop balancer le mot "amour" à tort et à travers ; c'est un sentiment trop merveilleux, trop rare, pour le dévaloriser par un usage abusif du terme. On peut vivre une bonne vie sans jamais connaître le véritable amour (dans la version corinthienne du sens, je veux dire). Mais j'ai eu la chance  de le rencontrer avec Harold.
Harold était une Toyota Corolla vieille de seize ans de couleur turquoise.

Titre original : Turtles All the Way Down
Traduit de l'américain par Catherine Gibert
Gallimard Jeunesse, 340 pages, 2017 pour l'édition originale, et pour l'édition française

lundi 26 janvier 2015

Let it snow (John Green, Maureen Johnson, Lauren Myracle)

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A la période de Noël, j'avais des envies de romances sur le thème des fêtes de fin d'année, sur l'hiver... Bref, ce recueil de trois nouvelles m'a de suite fait de l'oeil (sans compter que John Green en est l'un des auteurs) et, cerise sur le gâteau, j'ai embarqué Mara dans une lecture commune.

Malheureusement, ces histoires n'ont pas remporté notre adhésion et je dois dire, à titre personnel, que si je les ai lues sans déplaisir, je me suis tout de même un peu ennuyée... Déjà, elles manquent cruellement de cet esprit de Noël que je cherchais à retrouver dans ma lecture. Ensuite, ces nouvelles sont gentillettes, manquent à mon goût de passion et semblent plutôt destinées à un lectorat jeune. Les personnages sont attachants mais ce qui leur arrive n'est pas très excitant, les intrigues sont parfois tirées par les cheveux ou dépourvues d'originalité. Un moment agréable, donc, mais aussi vite lu, aussi vite oublié.

Le billet de Mara

Penguin books, 356 pages, 2013 pour la présente édition

vendredi 12 avril 2013

Nos étoiles contraires (John Green)

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coupdecoeur.pngComment parler d'un livre dont bien d'autres lecteurs ont déjà amplement vanté les mérites ? Comment parler d'un livre qui m'a tellement touchée que j'ai eu l'impression qu'il avait été écrit juste pour moi, pour coller à ma perception des choses de la vie ? Comment parler d'un livre qui m'a tellement remuée que j'ai eu du mal à me convaincre que je n'avais pas perdu quelqu'un de proche dans la vraie vie mais seulement un personnage de fiction ? Comment parler d'un livre dans lequel j'ai relevé des passages toutes les vingt pages environ ? Comment parler d'un livre qui a été élu meilleur roman 2012 par le Time Magazine, mais dont la couverture racoleuse a failli me faire fuir ? Comment parler d'un livre aussi sublime, autrement qu'en me contentant de vous dire de le lire ?!

Nos étoiles contraires, c'est d'abord un titre, parfaitement trouvé (encore davantage en VO : "The fault in our stars") et qui invite à la lecture. Un titre c'est toujours important, c'est le premier contact avec le lecteur, bon ou mauvais.

Nos étoiles contraires, c'est ensuite une histoire, pas très gaie il est vrai. Celle d'Hazel, une jeune fille de 16 ans, atteinte d'un cancer de la thyroïde. Son traitement semble avoir stoppé l'évolution de la maladie mais elle est condamnée à moyen (long ?) terme. Mais nous le sommes tous, n'est-ce pas ? Mourir est inéluctable, la question c'est "quand ?" et surtout, "comment ?". En attendant ce jour fatidique, Hazel souffre déjà bien assez de son vivant, liée à une bouteille d'oxygène nuit et jour et parfois soumise à de terribles douleurs. Pourtant, elle tient la route, Hazel. Elle a les pieds sur terre, elle est consciente de son état, lucide. Elle ne s’apitoie pas sur son sort et elle tient compagnie à son ami Isaac lors des réunions du groupe de soutien hebdomadaire auxquelles de jeunes cancéreux assistent. Parce que, dans le fond, le groupe, elle s'en balance, c'est pour Isaac qu'elle s'y rend. Jusqu'au jour où elle y rencontre Augustus. 

Nos étoiles contraires, ce sont des personnages beaux à l'intérieur et à l'extérieur, humains, tellement touchants. 

Nos étoiles contraires, c'est une écriture étonnante de justesse, qui ne verse pas dans le pathos et vous fait passer du rire aux larmes en clin d'oeil.

Nos étoiles contraires, c'est un concentré d'émotions, un livre qui vous prend aux tripes dès les premières pages et vous touche l'âme. Un livre qui ne laisse pas indemne mais sonne vrai, parfois drôle, d'autres fois triste mais avec toujours en ligne de mire cet hymne à la vie.

Quand j'ai ouvert ce modeste salon il y a cinq années de cela, c'était précisément pour partager ce type de lectures, parce qu'un cadeau pareil, on ne peut pas le garder pour soi tout seul. "Ça frôle le génie. Ce livre est tout simplement dévastateur." Nous dit le Time Magazine. C'est exactement ça.

Mon livre préféré, et de loin, était Une impériale affliction, mais je n'aimais pas en parler. Il arrive qu'à la lecture de certains livres, on soit pris d'un prosélytisme étrange, tout à coup persuadé que le monde ne pourra tourner rond que lorsque tous les êtres humains jusqu'au dernier auront lu le livre en question. Et puis, il existe des livres, comme Une impériale affliction, des livres particuliers, rares et personnels, pour lesquels on ne peut pas manifester son attachement sans avoir l'impression de les trahir.

* * *

- Je vais lire ce livre qui a le titre le plus ennuyeux du monde et dans lequel il n'y a même pas de soldats de l'Empire galactique, a-t-il promis.
J'ai regretté aussitôt de lui en avoir parlé. Augustus s'est tourné vers le tas de livres au pied de sa table de nuit. Il en a pris un et il a écrit quelque chose sur la page de garde.
- Tout ce que je te demande en échange, c'est de lire celui-ci, il s'agit de la fascinante novélisation de mon jeu vidéo préféré.
J'ai rigolé et j'ai pris le livre qu'il me tendait, intitulé Le Prix de l'aube. Dans le feu de l'action, nos mains se sont maladroitement rencontrées, et il a saisi la mienne.
- Froid, a-t-il dit en appuyant un doigt sur mon poignet livide.
- Plutôt sous-oxygéné.
- J'adore quand tu utilises des termes techniques, a-t-il dit.
Il s'est levé, m'a aidée à me remettre debout et n'a pas lâché ma main jusqu'au bas de l'escalier.

* * *

Il m'a répondu deux minutes après.

OK.

Je lui ai renvoyé :

OK.

Il m'a répondu :

C'est bon, arrête de me draguer !

J'ai écrit :

OK.

Deux secondes après, mon téléphone vibrait.

Je blaguais, Hazel Grace. Je comprends. (Sauf qu'on sait tous les deux que "OK" est un mot extrêmement provocateur. Il DÉGOULINE de sensualité.)

* * *

- Si tu vas au Rijksmuseum, ce que j'aurais adoré faire - mais qu'est-ce que je raconte, aucun de nous deux n'est en état de visiter un musée. Mais bref, j'ai regardé la collection du Rijksmuseum sur Internet avant de partir. Si jamais tu y vas, et avec un peu de chance, tu iras un de ces jours, tu verras des tas de tableaux qui représentent des morts : Jésus sur la croix, des types qui se font poignarder dans le cou, d'autres qui meurent en mer ou sur un champ de bataille et une flopée de martyrs. Mais pas un seul enfant victime d'un cancer, pas un seul type qui meurt de la peste, de la variole, de la fièvre jaune ou d'un autre truc, parce qu'il n'y a aucune gloire à être malade, pas de sens à la maladie. On ne retire aucun honneur à mourir de maladie.

* * *

Pendant le vol du retour, à six mille mètres au-dessus des nuages, eux-mêmes à trois mille mètres au-dessus de la terre, Gus m'a dit :
- Il m'est arrivé de penser que ce serait génial de vivre sur un nuage.
- Oui, ai-je renchéri. Un peu comme dans les châteaux gonflables qu'il y a sur les plages, sauf que ce serait pour toujours.
- Et puis, un jour, au collège, M. Martinez, le prof de sciences, a demandé qui avait déjà rêvé de vivre dans les nuages, et toute la classe a levé la main. M. Martinez nous a alors expliqué qu'à cette altitude le vent soufflait à deux cent quarante kilomètres à l'heure, que le thermomètre affichait moins trente au-dessous de zéro, qu'il n'y avait pas d'oxygène et qu'on mourait en quelques secondes.
- Il a l'air sympa, ce M. Martinez.

* * *

- Les enfants ! a crié mollement Julie. J'espère seulement, a-t-elle ajouté en se tournant vers Gus, qu'ils deviendront des jeunes gens aussi réfléchis et intelligents que toi.
J'ai résisté à l'envie d'avoir un haut-le-coeur sonore.
- Il n'est pas aussi intelligent que ça, ai-je dit à Julie.
- Hazel a raison. C'est juste que la plupart des mecs canons sont stupides. Par conséquent, je me situe au-delà des espérances.
- Oui, il est avant tout sexy, ai-je déclaré.
- C'en est parfois aveuglant, a-t-il renchéri.
- D'ailleurs, Isaac, un de nos copains, est devenu aveugle à cause de ça.
- Quelle tragédie ! Mais comment puis-je m'empêcher d'être mortellement beau ?
- Tu ne peux pas.
- Ah, c'est un fardeau d'avoir un visage sublime.
- Sans parler de ton corps.
- Ne me lancez pas sur le sujet de mon corps parfait. Il faut éviter de me voir nu, Dave. Hazel Grace m'a vu nu et ça lui a coupé le souffle, a-t-il dit avec un petit signe de tête en direction de ma bombonne d'oxygène.

* * *

Tu m'as offert une éternité dans un nombre de jours limités.

Lecture commune avec Mara
Les copines qui m'ont donné envie de le lire : Cess et Mlle P.

Titre original : The fault in our stars
Traduit de l'américain par Catherine Gibert
Nathan, 330 pages, 2012 pour l'édition originale, 2013 pour l'édition française