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J'avais à coeur de vous parler de ce roman autobiographique car il m'a énormément touchée. Grand Corps Malade est un artiste que j'apprécie énormément. J'aime sa voix, sa plume, sa vision des choses. Lorsque j'ai su qu'il avait écrit ce livre, j'ai immédiatement eu envie de le lire. Je l'ai dévoré et j'y ai relevé de multiples passages, drôles, émouvants, édifiants.

Grand Corps Malade est un nom de scène qui fait référence à la grande taille du personnage mais aussi à ce terrible accident survenu à l'âge de vingt ans qui le laissa légèrement handicapé. 

Des circonstances limites risibles mais des conséquences graves. Il plonge dans une piscine pas assez remplie, se réceptionne sur la tête et se déplace des vertèbres. Les médecins pensent qu'il ne remarchera pas. Pendant quelques temps il est tétraplégique, mais il finira par retrouver l'usage de ses membres et sa mobilité. 

Dans ce court texte il revient sur cette année passée à l'hôpital, entre rééducation et soins, les rencontres qu'il y a faites, ses progrès, les humiliations vécues, aussi. Sur un ton léger il décrit ces mois de calvaire, cette expérience humaine unique et douloureuse physiquement et psychiquement. Pas de pathos, un style direct, simplement la vérité, un témoignage empli de dignité et tourné vers l'autre. 

A l'image de ses chansons je retiendrai de ce livre que l'auteur est un grand Monsieur, et pas seulement par la taille.

Je connaissais mon plafond de réa dans les moindres détails, chaque tache, chaque écaille de peinture. Il y avait un néon masqué par une grande grille rectangulaire. La grille était composée de quatre cent quatre-vingt-quatre petits carrés. Je les ai comptés plusieurs fois pour être sûr. En réanimation, quand on est conscient, on a le temps de faire pas mal de trucs essentiels...

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Ah oui, pour tous les ringards d'entre vous qui n'ont jamais été tétraplégiques, sachez que manger seul pour un tétra est aussi facile que de voler pour un homme valide.

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Je découvre les joies de l'autonomie zéro, de l'entière dépendance aux humains qui m'entourent et que je ne connaissais pas hier.

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Tout le monde s’habitue. C'est dans la nature humaine. On s'habitue à voir l'inhabituel, on s'habitue à voir des gens souffrir, on s'habitue nous-mêmes à la souffrance. On s'habitue à être prisonniers de notre propre corps. On s'habitue, ça nous sauve.

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Mme Challes vient d'étrangler en moi les dernières traces de l'innocence. J'ai vingt ans et, à partir d'aujourd'hui, la vie ne sera plus jamais la même.

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En prison comme à l'hosto, on attend et on s'emmerde énormément. Et puis, surtout, on parle de l'avenir en utilisant les mots "sortir" et "dehors". Quand on sera "dehors", la vraie vie pourra reprendre...

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Don Quichotte, 163 pages, 2012