Il y a déjà deux ans, je vous avais confié mon coup de coeur pour la série Aya de Yopougon. Depuis, les tomes 5 et 6 ont fait leur apparition et je peux d'ores et déjà vous dire que la qualité de la série est constante et que sa lecture est toujours un réel plaisir.

Tome 5
Pour la première fois, au début de l'ouvrage, une double page est consacrée au résumé des épisodes précédents (jusque là on y trouvait la présentation des personnages), détail que j'ai trouvé très utile car il est vrai qu'en un an on a le temps de perdre un peu le fil de l'histoire.
Nous avions donc laissé tous ces personnages en prise avec leurs différents problèmes. Aya se faisait harceler par son professeur d'université et voulait se venger de lui, Innocent avait quitté Albert et cherchait à redémarrer une nouvelle vie à Paris, Félicité avait été enlevée par son père qui la soupçonnait de cacher une fortune, Gervais songeait enfin à présenter sa compagne Jeanne à sa mère, Adjoua faisait toujours tourner son maquis sans se douter que Mamadou fréquentait quelqu'un d'autre, Hervé tentait de plaire à Rita, Grégoire était ruiné, et Moussa était toujours porté disparu, au grand désespoir de sa mère.
Comme les fois précédentes, dès les premières vignettes, l'accent africain chantait dans ma tête, et rien que pour cela, c'est un grand bonheur de lire les aventures d'Aya. C'est toujours aussi drôle (mention spéciale pour les proverbes africains qui parsèment le texte et qui sont juste désopilants) et enlevé, mais l'histoire n'est pas légère pour autant. Marguerite Abouet s'attaque aux travers de la société africaine avec une certaine férocité. Dans ce tome 5 en particulier, elle critique ouvertement le système religieux avec la naissance de pasteurs qui tiennent davantage du côté commercial que de celui de la foi. Est aussi dans la ligne de mire la position de la femme avec des thèmes tels que l'émancipation, l'éducation, la famille... Au final, sous des dehors bon enfant on a affaire à une bande dessinée infiniment riche avec plusieurs degrés de lecture. Pour ma part je ne m'en lasse pas.

Gallimard (Bayou), 106 pages, novembre 2009



Tome 6
Pas grand-chose à ajouter de plus pour ce sixième tome qui est lui aussi, un vrai bijou et un pur bonheur de lecture. La bande dessinée, ce ne sont pas que des histoires simplistes racontées en images, ça peut-être percutant et intelligent et Aya de Yopougon en est le parfait exemple. Une BD qui fait voyager, qui fait rire, mais qui donne aussi à réfléchir, et ça, ça fait du bien. 
Dans ce dernier tome, la situation de certains personnages a évolué, que ce soit en bien ou en mal. Félicité a été "sauvée" par ses amies et a pu quitter son tyran de père, le beau Didier fait la cour à Aya, Grégoire a trouvé un nouveau "business" dans lequel se reconvertir mais file un très mauvais coton, Moussa a dilapidé l'argent paternel en bonnes oeuvres et se retrouve à présent en prison, Albert veut épouser Isidorine comme couverture de son homosexualité qu'il n'assume toujours pas, Innocent a semble-t-il trouvé l'amour, Mamadou doit maintenant choisir entre sa bourgeoise et la mère de son fils, Bintou va danser dans le cadre de l'émission Super Star Station et Aya rumine toujours ses projets de vengeance au sujet de son professeur pas très net.
L'histoire est réellement passionnante et foisonnante avec la multitude de personnages qui deviennent à présent familiers après 6 tomes . Je pensais que la série allait s'essouffler, j'avais totalement tort, elle gagne au contraire en intensité et a sans-doute encore de beaux jours devant elle. 
A découvrir de toute urgence si vous ne connaissez pas encore Aya.

Gallimard (Bayou), 104 pages, novembre 2010