Ben Du Toit habite à Johannesburg où il enseigne l'histoire. Marié et père de deux filles, cet afrikaner connaît une existence paisible jusqu'au jour où Gordon, le balayeur noir de l'école où il travaille, est incarcéré...

Voilà un livre qui ne laisse pas le lecteur indifférent.
Il faut savoir que Une saison blanche et sèche a été interdit dès sa sortie en Afrique du sud avant d'être traduit dans plusieurs langues et d'obtenir Le prix Médicis étranger en 1980.

C'est donc à un roman engagé que nous avons affaire, même s'il ne s'agit que d'une fiction. Fiction néanmoins nettement inspirée par la réalité.
A travers l'histoire de ce professeur qui va prendre soudain conscience de toute l'horreur générée par la politique de l'apartheid, on découvre de façon très concrète ce qu'on a pu apprendre dans les livres d'histoire.
L'évolution du personnage Ben Du Toit est la clé de voute du roman. L'emprisonnement de Gordon va être l'élément déclencheur, l'événement qui va marquer un tournant dans sa modeste vie. A partir de ce moment, il ne sera plus le même et ne fera que s'enliser chaque jour davantage dans une situation inextricable. L'étau se resserre au fur et à mesure autour de lui, la descente aux enfers est inéluctable, d'ailleurs on connaît le fin mot de l'histoire dès le prologue qui nous annonce clairement sa mort.
Le rôle qu'a voulu donner André Brink à son héros est particulièrement intéressant et pose clairement la question de l'implication de chaque citoyen face à un système politique oppressif.
Finalement Ben Du Toit n'est qu'un homme ordinaire qui a ouvert les yeux à un moment donné et n'a pu les refermer. Ce n'est pas le courage qui l'anime mais un besoin vital d'agir pour rétablir la justice.
Un besoin qui, malheureusement, ne sera jamais compris des autres, ni des blancs, ni même des noirs dont il s'est fait le défenseur : " Que je le veuille ou non, que j'ai envie ou non de maudire ma propre condition - et ça ne servirait qu'à confirmer mon impuissance - je suis blanc. Voilà l'ultime et terrifiante vérité de mon univers brisé. Je suis blanc. Et parce que je suis blanc, je suis né dans un état privilégié. Même si je combats le système qui nous a réduits à ça, je reste blanc et privilégié par ces mêmes circonstances que j'abhorre. Même si je suis haï et fui, écarté et persécuté et, pour finir, détruit, rien ne pourra me faire devenir noir. Ainsi, ceux qui le sont ne peuvent que se méfier de moi. A leurs yeux, mes efforts pour m'identifier à Gordon, à tous les Gordon, sont obscènes."

Vous l'aurez compris, c'est un roman fort et puissant qui remue et donne à réfléchir.

Ceci étant, et pour la forme, j'aimerais parler ici des défauts que j'ai trouvé à cet ouvrage, car il en a malgré tout.
Je n'ai pas compris pourquoi l'auteur embarquait son héros dans une histoire d'amour. J'ai trouvé cela déplacé, inutile.
J'ai aussi trouvé quelques longueurs au texte et il m'a manqué un petit quelque chose pour que j'embarque totalement dans l'histoire.
Finalement, je me dis que j'ai apprécié ce livre "intellectuellement" mais sans pour autant avoir ressenti une véritable émotion au cours de ma lecture. Pourtant les faits qui nous sont contés et l'évolution du récit sont dramatiques et ne laissent pas insensibles, mais c'est comme si j'avais ressenti de l'empathie pour ces hommes à distance, sans me sentir partie prenante.

Un bémol qui n'enlève rien à la satisfaction d'avoir lu ce livre que je considère maintenant comme nécessaire.
Quand on pense que ce n'est qu'en 1985 que la loi portant sur l'interdiction des mariages mixtes a été abrogée en Afrique du Sud (et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, hélas) on ne peut pas fermer les yeux sur ce pan de l'histoire. Il faut donc lire Une saison blanche et sèche (et ne pas s'arrêter à l'abominable couverture qui m'a presque donné des cauchemars - petite remarque pour détendre l'atmosphère).


Lecture commune avec Karine :-) que je remercie encore une fois de m'avoir offert ce livre et Vanillabricot

L'avis de Cuné

Stock (collection Le livre de poche) - 404 pages