Une saison blanche et sèche (André Brink)
vendredi 9 octobre 2009
Ben Du Toit habite à Johannesburg où il enseigne l'histoire. Marié et père de deux filles, cet afrikaner connaît une existence paisible jusqu'au jour où Gordon, le balayeur noir de l'école où il travaille, est incarcéré...
Voilà un livre qui ne laisse pas le lecteur indifférent.
Il faut savoir que Une saison blanche et sèche a été interdit dès sa sortie en Afrique du sud avant d'être traduit dans plusieurs langues et d'obtenir Le prix Médicis étranger en 1980.
C'est donc à un roman engagé que nous avons affaire, même s'il ne s'agit que d'une fiction. Fiction néanmoins nettement inspirée par la réalité.
A travers l'histoire de ce professeur qui va prendre soudain conscience de toute l'horreur générée par la politique de l'apartheid, on découvre de façon très concrète ce qu'on a pu apprendre dans les livres d'histoire.
L'évolution du personnage Ben Du Toit est la clé de voute du roman. L'emprisonnement de Gordon va être l'élément déclencheur, l'événement qui va marquer un tournant dans sa modeste vie. A partir de ce moment, il ne sera plus le même et ne fera que s'enliser chaque jour davantage dans une situation inextricable. L'étau se resserre au fur et à mesure autour de lui, la descente aux enfers est inéluctable, d'ailleurs on connaît le fin mot de l'histoire dès le prologue qui nous annonce clairement sa mort.
Le rôle qu'a voulu donner André Brink à son héros est particulièrement intéressant et pose clairement la question de l'implication de chaque citoyen face à un système politique oppressif.
Finalement Ben Du Toit n'est qu'un homme ordinaire qui a ouvert les yeux à un moment donné et n'a pu les refermer. Ce n'est pas le courage qui l'anime mais un besoin vital d'agir pour rétablir la justice.
Un besoin qui, malheureusement, ne sera jamais compris des autres, ni des blancs, ni même des noirs dont il s'est fait le défenseur : " Que je le veuille ou non, que j'ai envie ou non de maudire ma propre condition - et ça ne servirait qu'à confirmer mon impuissance - je suis blanc. Voilà l'ultime et terrifiante vérité de mon univers brisé. Je suis blanc. Et parce que je suis blanc, je suis né dans un état privilégié. Même si je combats le système qui nous a réduits à ça, je reste blanc et privilégié par ces mêmes circonstances que j'abhorre. Même si je suis haï et fui, écarté et persécuté et, pour finir, détruit, rien ne pourra me faire devenir noir. Ainsi, ceux qui le sont ne peuvent que se méfier de moi. A leurs yeux, mes efforts pour m'identifier à Gordon, à tous les Gordon, sont obscènes."
Vous l'aurez compris, c'est un roman fort et puissant qui remue et donne à réfléchir.
Ceci étant, et pour la forme, j'aimerais parler ici des défauts que j'ai trouvé à cet ouvrage, car il en a malgré tout.
Je n'ai pas compris pourquoi l'auteur embarquait son héros dans une histoire d'amour. J'ai trouvé cela déplacé, inutile.
J'ai aussi trouvé quelques longueurs au texte et il m'a manqué un petit quelque chose pour que j'embarque totalement dans l'histoire.
Finalement, je me dis que j'ai apprécié ce livre "intellectuellement" mais sans pour autant avoir ressenti une véritable émotion au cours de ma lecture. Pourtant les faits qui nous sont contés et l'évolution du récit sont dramatiques et ne laissent pas insensibles, mais c'est comme si j'avais ressenti de l'empathie pour ces hommes à distance, sans me sentir partie prenante.
Un bémol qui n'enlève rien à la satisfaction d'avoir lu ce livre que je considère maintenant comme nécessaire.
Quand on pense que ce n'est qu'en 1985 que la loi portant sur l'interdiction des mariages mixtes a été abrogée en Afrique du Sud (et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, hélas) on ne peut pas fermer les yeux sur ce pan de l'histoire. Il faut donc lire Une saison blanche et sèche (et ne pas s'arrêter à l'abominable couverture qui m'a presque donné des cauchemars - petite remarque pour détendre l'atmosphère).
Lecture commune avec Karine

L'avis de Cuné
Stock (collection Le livre de poche) - 404 pages
Commentaires
Un livre que j'avais adoré lorsque j'étais au lycée... il mériterait que je le relise ...
Je suis tout à fait d'accord avec toi : un incontournable, dont le style souffre de longueurs. Mais ce n'est pas la forme le plus important, mais le fond !
Un livre dont on a beaucoup parlé.
Encore une fois, nos avis se rejoignent pas mal. Je suis aussi d'accord sur les longueurs et l'histoire d'amouru n peu parachutée là... mais j'ai été davantage touchée que toi... et c'est vraiment fort, un livre qu'il faut lire!
Il y a eu un film, non ?
COmme je disais à Karine, j'ai pris du retard... Mais je te tiens au courant de mon avis. Je n'ai pas encore lu ta critique je préfère attendre de me faire mon propre avis.
Je suis d'accord avec toi sur la couverture, beurk... Sinon, je ne suis pas vraiment tentée par ce livre, je ne suis pas fan des romans engagés...
L'adaptation cinématographique avait un petit quelque chose d'aride. Peut-être que Marlon Brando en faisait un tout petit peu trop, aussi.
@Celsmoon : C'est une chance de l'avoir découvert jeune !
@Meria : Exactement, dans ce cas précis le fond compte davantage.
@Edelwe : J'espère qu'on en parlera encore, il le mérite...
@Marc : Je crains que votre commentaire ne soit pas totalement sincère, je retrouve exactement le même au mot près sur de nombreux blogs...! Dans les relations humaines je ne suis guère adepte du copié-collé...
@Karine:) : Oh oui, il faut le lire, et je suis contente de l'avoir fait.
@Leiloona : Il me semble que oui mais je ne l'ai pas vu.
@Vanillabricot : OK, tiens-moi au courant !
@Restling : Il en faut pour tous les goûts !
@LVE : Ah, donc c'est avec Marlon Brando ?!
J'ai lu de nombreux livres d'André Brink, et celui-ci est sans doute un de mes préférés.
Heureusement, la situation en Afrique du Sud a évolué, même si ce n'est pas encore l'idéal...
@Marie : Est-ce que l'idéal sera atteint un jour ? La connerie humaine me laisse un doute...
C'est un livre qu'il FAUT avoir lu. Malgré toute l'horreur des faits, malgré les émotions fortes qui s'en dégagent.
Un grand souvenir.
Toujours en lien avec l'Afrique du Sud et la question de l'identité, des conflits de couleurs, je te conseille les récits de JM Coetzee (un grand auteur).
@Mariel : Merci pour le conseil.