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Ce roman est un OVNI et je vais avoir bien du mal à en parler. Il est court par son nombre de pages, percutant par son histoire, poétique par son écriture. Tout est dans le titre, admirablement trouvé, à l'image de ce texte dérangeant mais superbe. 

Pour vous présenter ce roman, je reprends la quatrième de couverture qui est en réalité le tout premier chapitre du livre et joue le rôle de préambule.

La séquestration n'avait pas été préméditée.
Tout au moins au début.
Pour dire vrai, tout ce qui m'y a conduit est un enchaînement de hasards ; quand vous auriez cru à ma volonté de nuire ou à une part de perversité, vous vous seriez fourvoyés.
Je n'ai aucunement l'intention de vous détromper.
Mais je peux vous raconter.

Le thème n'est pas des plus faciles mais il est traité d'une telle façon par l'auteur, que, contre toute attente, cette lecture n'est ni sombre ni glauque. Au contraire, j'ai eu l'impression de lire un long poème. Je ne sais comment expliquer mon ressenti, mais la plume de Claire-Lise Marguier qui m'avait bouleversée dans Le faire ou mourir m'a encore une fois émue par son incroyable beauté. L'ensemble est ciselé à la perfection et en refermant ce livre, je me suis dit qu'il faudrait le relire un jour pour l'apprécier à sa juste valeur.

Indéniablement, voilà un auteur de grand talent que je continuerai de suivre.

Les pauvres gens étaient privés de Joël. De ce trésor secret qui n’appartenait qu'à moi et dont ils ignoraient même jusqu'à l'existence. Je leur pardonnais leurs humeurs larmoyantes, leur caractère irascible, leur désolante banalité. Il n'était qu'un être sur Terre à avoir tous les dons, et peut-être un seul autre capable de les apprécier. J'avais, avec eux, ce cri muet au fond de la gorge, qui voulait à la fois leur jeter à la face la perfection que l'écrin rouge leur volait, mais la taire aussi pour en déguster la faveur défendue que j'avais arrachée à la destinée.

* * *

Les jours suivants, je le quittai le moins possible. J'en étais devenu incapable. La nuit, je m'assoupissais au pied de son lit. Son souffle était si proche du mien que je respirais à contre-coup pour aspirer tout l'air qu'il rejetait. Existait-il plus proche intimité que de boire le souffle d'un ange endormi ?

Deux lecteurs conquis également : In Cold Blog et Clara

Rouergue (La brune), 120 pages, 2013