Sukkwan island (David Vann)
dimanche 7 mars 2010
J'ai sans-doute laissé passer trop de jours s'écouler depuis que j'ai lu ce livre et je ne sais toujours pas comment en parler. En réalité, avec du recul, plus le temps passe, plus l'impression que j'avais au départ s'estompe...
Pour faire court, disons que j'ai lu avec un relatif plaisir la première partie de l'histoire et que la seconde m'a ennuyée. C'est assez terrible de balancer ce genre de phrase quand il s'agit d'un texte si noir, que voulez-vous, c'est ce qui s'est passé.
Mais revenons à l'histoire, pour ceux qui n'auraient pas fréquenté les blogs de lecture ces dernière semaines et ne sauraient pas de quoi il s'agit !
Roy, 13 ans et son père Jim vont aller vivre sur la côte sud de l'Alaska pendant un an. Le paternel a acheté là-bas une cabane sur une île paumée située à distance de toute habitation/vie humaine et seulement accessible par bateau ou par hydravion. Ce décor en apparence idyllique cache en réalité un mode de vie sauvage bien éloigné des préoccupations citadines.
Sauf que Roy n'est qu'un adolescent, et même s'il est plutôt dégourdi pour son âge il n'a pas la force physique ni les compétences/connaissances nécessaires pour s'adapter sans difficulté à un tel milieu. Quant à son père, on se demande bien quelle mouche l'a piqué, car il débarque sur cette île en parfait ignorant, affrontant les problèmes les uns après les autres, comme s'il ne s'était pas soucié un seul instant de la façon dont ils allaient survivre sur cette terre. Car il s'agit bien ici de survie.
A cela, s'ajoute la personnalité du père à qui j'aurais volontiers filé deux paires de baffes pour le réveiller. Il est clair dès le départ pour le lecteur que Jim est dépressif et n'a entraîné son fils dans cette aventure que pour se changer les idées, prendre un nouveau départ dans sa vie et se ressourcer. Un acte donc totalement égoïste, et l'on comprend dès les premières pages que tout cela ne peut que mal finir. Le pauvre adolescent qui a suivi son père pour lui faire plaisir se retrouve dans un lieu hostile et isolé, avec pour seule compagnie celle d'un père qu'il connaît peu et passe ses nuits à pleurer en lui confiant ses soucis d'adulte.
Alors certes, le climat psychologique oppressant est bien rendu, on perçoit cette terrible tension jusqu'au point de rupture et le début de la seconde partie du roman retrace bien ce qui se passe dans la tête d'un individu quand il vient de perdre un être cher, la déraison, l'angoisse, l'espoir et la descente aux enfers.
Sauf que c'est trop long, bien trop long...
On voudrait bien abréger ses souffrances au pauvre père, on voudrait bien abréger sa vie tout court d'ailleurs... Si les premiers moments m'ont parfois amusée (rassurez-vous, je ne suis pas dingue ni insensible mais j'aime l'humour noir, et heureusement il y en a un peu dans cette nouvelle) et surtout touchée, cela m'a très vite lassée. Une centaine de pages pour expliquer que le corps du fiston est en décomposition avancée (avec détails à l'appui...) et que son andouille de père n'est pas fichu d'aller chercher des secours parce que dans un moment de folie il a brisé les seuls moyens de communication avec l'extérieur qui s'offraient à lui... bref, suivre les méandres de cet esprit torturé m'a ennuyée même si c'est bien écrit, même si l'auteur parvient avec brio à explorer toute la psychologie du personnage.
Alors voilà, je n'ai pas trouvé ce que je cherchais dans Sukkwan island. Au lieu de la sublimation de la nature (qui finalement est peu présente dans cette nouvelle, et c'est tout le paradoxe de ce texte qui fait partie de la collection Nature writing ; ici on aurait pu parler plutôt de Human writing...) que j'attendais, on est assailli par le psychisme des deux héros, et aussi bouleversante que soit cette histoire, elle m'a laissée relativement indifférente. Je n'ai pas débarqué sur cette île, je suis restée spectatrice depuis le rivage.
Ceci étant, il ne s'agit bien entendu que de mon ressenti personnel, de mon simple plaisir de lecture que j'exprime ici. Je ne me permets pas de juger cette oeuvre autrement que selon ce critère, d'autant que son côté autobiographique change inévitablement le regard qu'on peut y porter. Il est indéniable que cette souffrance et ce désespoir sont admirablement retranscrits en mots, simplement cela n'a pas suffi à la lectrice que je suis pour apprécier pleinement cette histoire sombre.
Mais ne vous fiez pas à mon ressenti et allez consulter les billets de ICB et Cryssilda pour vous convaincre que Sukkwan island a séduit plus d'un lecteur.
Lu dans le cadre de L'opération Masse critique de Babelio
Merci à l'éditeur Gallmeister et à Babelio pour l'envoi de ce livre !
Gallmeister (collection Nature writing) - 212 pages
Commentaires
Depuis les premiers billets je n'ai pas envie de lire ce roman, j'ai bien peur de le prendre comme toi. Mais comme je suis curieuse, je me suis fait raconter la fameuse 113e page pour savoir quel était cette horreur. Cà m'a confirmé que ce n'était pas pour moi.
Comme Aifelle, je passe mon tour.
Je copie tout sur Aifelle (mais moi, j'ai ouvert le livre à la page 113 dans une librairie !) ce que tu dis dans le spoilers me confirme que je m'en passerai...
Argh tu aurais même tué ce père?
mais c'est bien de prévenir avant les spoilers...
@Aifelle : Bon, dans ce cas passe ton chemin sans regrets...
@Theoma :
@kathel : Oh la curieuse !
@keisha : Ben voui, il m'a agacée plus que de mesure ce paternel !!!
Oh, c'est toi qui a eu la chance d'avoir ce titre avec Babelio !!! Mais il est enfin en commande à ma biblio
J'ai soigneusement évité les spoilers !
Je l'ai inscrit dans ma lal celui-ci.
Je suis moins dure que toi, mais ça n'a pas été le coup de coeur esperé. Le père m'a énervé au possible, et je suis sortie de ce roman en éprouvant un grand malaise, et un grand vide (et surtout sans bien savoir ce que j'avais lu)
Personnellement, je n'ai pas pu rester en dehors et ce roman m'a oppressée de bout en bout ... mais justement, ça ne m'a pas déplu d'être embarquée dans cette funeste histoire et je n'ai pas regretté ma lecture (ce que je ne peux pas dire pour tous les romans oppressants que j'ai lus).
Enfin je trouve quelqu'un qui a exactement le même ressenti que moi (je viens de faire mon billet, si ça t'intèresse de venir voir ça), ça me rassure, j'ai moi aussi ressenti de l'ennui et comme toi j'attendais de magnifiques descriptions de la nature... Laila, qui l'a lue en même temps (nous avions une lecture commune) a eu aussi le même genre de remarques.
Je crois que nous n'avons pas été très nombreuses à ne pas l'aimer !
Moi non plus je n'ai pas du tout trouvé ce que j'y cherchais !
A bientôt !
@Joelle : Tu as bien fait, rien de tel pour gâcher une lecture que de savoir à l'avance ce qui va se passer...
@Lilibook : J'espère que tu apprécieras !
@Aurore : Pas de coup de coeur pour moi non plus, je crois que j'attendais trop de ce livre.
@Brize : Je comprends que ça puisse oppresser, ça n'a pas été le cas pour moi cette fois-ci. En revanche, je viens d'abandonner y a quelques jours Les noces barbares de Quéffelec après 80 pages tellement j'avais l'impression d'étouffer...
@L'or des chambres : Peut-être trop d'attentes pour un roman qui a été très vite porté aux nues... J'espérais un livre sur la nature et ce n'était pas le cas.
Par l'entremise de L'Or des chambres, j'ai vu qu'il y avait quelqu'un d'autre qui avait les mêmes ressentis que nous... je suis donc venue faire mon tour ici !
Superbe billet qui exprime bien mon opinion également. Je crois vraiment que le texte est trop personnel pour devenir le roman noir que l'auteur voulait... Bonne journée à toi !
Enfin un avis mitigé! Je pensais que ce livre allait faire un sans faute...
Malgré ton avis partagé, je vais tenter sa lecture (j'ai lu tellement d'éloges)... quand j'aurai une minute!
je viens de le lire... le décor se plante pendant 112 pages... j'ai bien aimé. même et surtout si je me méfie quand on encense on livre, ayant trop peur d'être déçue.
@ tout bientôt
"Les noces barbares" est le roman que je ne recommanderai jamais car ce fut une lecture horriblement éprouvante pour moi (jamais relu du Queffélec depuis). C'est sans doute la curiosité et l'espoir que ça allait s'arranger par la suite qui m'avaient poussée à ne pas laisser ce roman en route mais je comprends pourquoi tu l'as fait (et, après lecture, vu ce que j'en ai retiré, je me dis que c'est ce que j'aurais dû faire).
Premier avis moins enthousiaste...j'ai moins peur de le lire maintenant
@Laila : C'est effectivement peut-être ça la clé, le fait que le récit soit trop teinté par l'histoire de l'auteur pour pouvoir accrocher le lecteur. Intéressante analyse.
@Marie L. : Et bien non, ce n'est pas un sans faute ! J'espère que tu apprécieras cette lecture le moment venu.
@Lystig : Quand on parle trop d'un livre ça finit par jeter le doute !
@Brize : Eprouvant c'est le mot, je n'y ai pas résisté...
@lancellau : :o)
C'est ce qui m'a plu : pas trop de nature et beaucoup de tirlipotage de cerveau
Ah mais si !!! Il faut se fier à ton avis AUSSI !! Il n'y a pas eu que des avis positifs sur ce livre.
@Ys : Ha ! Donc tu as dû avoir ton content !
@Caro[line|#c2530] : :o)
C'est le seul billet que je lis sur ce livre où je trouve le mot "indifférence". C'est pour le moins exceptionnel et original.
Pour ma part cette lecture m'a mis mal à l'aise, je l'ai trouvé parfois à la limite du soutenable, et pourtant j'ai marché à fond tout du long... Je suis restée, comme beaucoup, "estomaquée" par cette lecture.
@sylvie : Hum ! Malheureusement je ne rcherche pas l'originalité, je n'ai fait qu'exprimer ce que je ressenti à la lecture de ce livre. Je comprends très bien que l'on puisse être "estomaqué" comme tu le dis par cette lecture, mais avec moi cela n'a pas pris et je ne sais pas l'expliquer.
Comment ça "trop long"? Quatre heures de lecture ce n'est pas long!
Pour ma part j'ai bien aimé Jim (façon de parler...) Oui il est égocentrique (dépressif et égocentrique, ça va de toute manière ensemble), oui il peut nous sembler imprudent et irresponsable (l'histoire se déroule quand même dans un État assez conservateur du genre "chasse pêche nature tradition et flingues". Sarah Palin était gouverneure de l'Alaska, pour te situer un peu l'ambiance). Il n'aura pas la médaille du Père de l'Année mais c'est un personnage à facettes, il a de l'épaisseur, il est intéressant!
Quant aux événements ils auraient pu se passer très différemment (l'enchaînement de circonstances et de hasards malheureux est implacable mais ne dépend pas uniquement du duo Jim/Roy, loin de là) mais y aurait-il eu une histoire si ces mêmes Roy et Jim s'étaient installé dans une caravane "tout confort" à proximité de Disneyworld en Floride? Pas sûr...
D'un autre côté, même des séjours très bien planifiés peuvent prendre une tournure inattendue et désagréable (aller dans un night club à Bali le mauvais soir, prendre le mauvais train à Madrid, se promener sur la mauvaise plage à Ceylan le 26 décembre 2004, etc.) En conclusion, je te trouve bien trop dure avec ce pauvre Jim...
(sourire machiavélique)
@Paul Arre : Parfois, même ce qui est court peut sembler long !
C'est la façon dont est écrite cette histoire qui me gêne, pas le fond en lui-même...