Dès les premières lignes, j'ai su que j'allais aimer ce roman. D'abord pour la musique du texte, ces mots à la fois simples et chargés d'émotion. Ensuite pour l'histoire.

Mr Stevens
est un majordome qui a dédié l'essentiel de sa carrière à Lord Darlington aux côtés de l'intendante Miss Kenton. Quelques vingt années après que cette dernière ait quitté le domaine Darlington, le maître des lieux décède et la demeure est rachetée par un riche américain nommé Lewis.
Stevens entreprend alors un voyage en voiture dans l'ouest de l'Angleterre pour aller à la rencontre de Miss Kenton dont il vient de recevoir une lettre.
Une absence d'à peine quelques jours, mais significative pour le majordome qui n'a jamais pris de vacances par le passé et consacré l'intégralité de son existence au travail.
Les vestiges du jour, raconté à la première personne par Stevens, est le récit de ce court voyage auquel se mêlent les souvenirs du vieil homme.
Le lecteur découvre une personnalité à la fois fascinante et irritante, touchante aussi. Stevens est un homme qui a une conception très personnelle de la dignité et en a fait le leitmotiv de sa carrière. Sa conscience professionnelle poussée à l'extrême et sa volonté ont fait de lui un majordome exemplaire mais un homme qui est passé à côté des moments importants de sa vie. Miss Kenton, quant à elle,  a pris un autre parti et a décidé de mettre fin à sa carrière pour se marier. Des deux personnages, lequel a trouvé le véritable sens de l'existence, lequel est véritablement heureux ?

Ce livre est un pur régal, un petit bijou dont il faut prendre le temps de déguster chaque page en prenant son temps. Il est des lectures qu'il ne faut pas pénétrer trop vite pour préserver leur charme et ne pas le rompre. C'est le cas des Vestiges du jour.

La relation entre ces deux personnages, cet homme et cette femme, si différents, mais qui ont pourtant partagé une vie de travail, est vraiment extraordinaire. La grande force de ce roman, c'est la multitude de non-dits tout au long du récit. Tout n'est que suggestions, intuitions, rien n'est jamais avoué, révélé. Pour autant, le lecteur ressent les sentiments et la tournure parfois tragique des situations. Mais le temps passe et la demeure Darlington reste, immuable, tout comme son majordome qui continue de se dévouer à son métier, à son maître. Une vie de travail qui a pris le pas sur tout le reste, lui a fermé le cœur, mis des œillères, ôté tout jugement critique. En réalité, Stevens a conservé tout cela au fond de lui, mais son souci de perfection a peu a peu formé une cage autour de ses sentiments qui ne peuvent plus s'exprimer.

Il y a une langueur toute particulière dans cette histoire, une musicalité qui m'a happée dès le départ. Beau, tout simplement.

Gallimard (collection) - 338 pages


J'ai vu pour la première fois ce film il y a de nombreuses années, et c'est d'ailleurs ce qui m'a donné envie de lire le livre. Je ne regrette pas du reste, d'avoir attendu si longtemps pour découvrir le roman, car il me semble que je l'aurais moins apprécié plus jeune. Le film, quant à lui, ne m'avait laissé qu'un souvenir vague, essentiellement celui de l'avoir aimé à l'époque. Après avoir lu Les vestiges du jour, je voulais donc me rafraîchir la mémoire. En réalité, j'ai tout bonnement découvert le film dont j'avais tout oublié.

Un film qui se révèle largement à la hauteur du roman et qui a su en restituer toute l'atmosphère.
Premier constat, le choix des acteurs pour les deux rôles principaux est admirable, je n'aurais pas rêvé mieux pour incarner Stevens et Miss Kenton que Anthony Hopkins et Emma Thompson. Chacun d'eux vit son personnage avec une intensité incroyable. Hopkins est un majordome dans l'âme, sa façon d'ouvrir les portes, de se déplacer, de servir à table, sa posture quand il est simplement debout et immobile... chaque détail, chaque déplacement est étudié, rien laissé au hasard, à l'image du Stevens du livre. Emma Thompson joue remarquablement elle aussi, mais la prestation de son partenaire tend presque à l'effacer. Et pourtant ! Quelle émotion dans ses yeux, quelle fougue dans ses paroles !
En rédigeant ce billet, je repense à une scène qui m'a bouleversée et que je trouve absolument torride. Pour ceux qui ont lu le livre et/ou vu le film,  Il s'agit de la fameuse scène dans laquelle Miss Kenton trouve Mr Stevens dans son office entrain de lire et tente de lui arracher le livre des mains pour en découvrir le titre. Il ne se passe rien, je veux dire par là pas de contact physique, pas même de baiser, et pourtant c'est d'une sensualité à toute épreuve, magnifique.
Au-delà des acteurs qui font à eux seuls tout le film, il y a bien entendu les décors de cette vieille demeure anglaise, cette demeure où tout le monde s'affaire, où viennent régulièrement de grands hommes qui donnent vie à l'établissement. Il y a aussi la campagne environnante et ce climat anglais. De la verdure, des paysages humides. L'ensemble accompagné par une musique lancinante et douce avec un brin de tragique qui donne le ton dès les premiers plans.
C'est un très beau film qui, je pense, ne prend pleinement son sens que si l'on a lu le roman et qui lui rend un superbe hommage.

Les vestiges du jour, réalisé par James Ivory - 1993
Avec : Anthony Hopkins, Emma Thompson, James Fox, Christopher Reeve...


Lecture commune avec Karine (qui a rendu sa copie il y a déjà quelques temps) et Kali