Je connaissais Richard Bohringer l'acteur, mais je ne connaissais pas l'auteur. Et puis il y a eu cette interview qui m'a profondément émue et ces billets qui m'ont donné envie d'ouvrir son premier roman.

N'entre pas qui veut dans un livre de Richard Bohringer...
Le lire, c'est d'abord prendre son temps, laisser ses attentes au vestiaire et se laisser doucement envahir par la prose poétique de l'auteur.
Un style particulier qui déroute, parfois cru, qui remue l'âme. J'ai ressenti comme un malaise au cours de ma lecture, j'avais le sentiment de lire le journal intime d'une personne qui n'aurait jamais dû tomber dans les mains d'un public étranger. L'auteur se met à nu, livre ses pensées les plus sombres, nous parle de son inaptitude au bonheur... Des mots qui résonnent et qui heurtent, comme un voyage dans le psychisme d'un autre. La compréhension est parfois difficile tellement le texte est personnel, mais petit-à-petit, au fil des pages, se dessine la vie d'un homme meurtri qui semble croire malgré tout en l'humain.

J'ai l'impression que je n'ai pas choisi le moment idéal pour le lire, j'y reviendrai sans-doute, ou peut-être pas, un jour...
Je ne peux donc qu'encourager celles et ceux qui souhaitent en faire la découverte à choisir LE bon moment pour ne pas gâcher cette lecture qui se mérite.

Un extrait qui m'a particulièrement touchée :

[...] Je vis dans du décolorant. Je me souviens des jours dorés. Je me souviens de l'ombre qui tremble. Je me souviens du pain, du café qui fume, des yeux clos, du soleil qui claque derrière le rideau. Du rire dans la maison claire, de l'âme qui s'envole au matin. Je me souviens de la peau, des doigts qui courent gros câlins. Je me souviens et tout revient. Nostalgie imbécile, quitte-moi donc cet après-midi. Laisse-moi souffler, me reposer. Je suis épuisé. Je voudrais vivre comme hier, avant ce jour maudit où quelque chose s'envola. Imperceptible absence. Vivre dans du décolorant est épuisant. [...]

Laurence en parle infiniment mieux, je la remercie de m'avoir donné envie de lire ce livre.

Denoël (collection Folio) - 156 pages