Attention, chef d'oeuvre !
Lu il y a bien longtemps, cette histoire a sombré dans le flou de ma mémoire au fil des ans, mais ce qui est resté, c'est cette atmosphère incroyable qui règne dans Le lion. Plus de quinze ans après, la magie a de nouveau opéré,  et je me suis replongée avec une envie dévorante dans ce récit qui m'a transportée, comme la première fois.
Je n'ai pas envie de vous faire un résumé de l'histoire, c'est tellement grisant de découvrir un livre, d'avoir la surprise.
Simplement vous dire que si vous aimez l'Afrique et ses animaux sauvages, ce livre est fait pour vous. Et si vous n'êtes pas tentés, faites malgré tout un essai, vous changerez peut-être probablement d'avis !
D'abord, il y a la langue de Joseph Kessel. Admirable. Sous sa plume, les descriptions ne sont plus de simples descriptions, les personnages et les paysages prennent vie. En quelques lignes à peine, on est parachuté dans une réserve africaine. La poussière se soulève, le soleil nous brûle la peau, le souffle d'air est chaud. Les animaux s'abreuvent juste devant nous ; on voit passer les rhinocéros, les éléphants, les zèbres...
Et puis il y a Patricia, cette fillette aussi fascinante que désarmante. Dans sa vie, il y a King, le lion.
A la base de cette histoire, la relation entre un enfant et un animal sauvage. Soit. Rien d'extraordinaire. Et bien si ! Ce qui aurait pu sombrer dans la banalité est ici littéralement transcendé. La force de cette lecture, comme beaucoup de grandes œuvres, c'est qu'elle peut se faire à plusieurs niveaux (je l'ai d'ailleurs lu dans une édition pour la jeunesse). Et lors de cette relecture, j'ai, avec mes yeux d'adulte, perçu les choses sous un autre angle, pourtant toujours embarquée par ce magnifique récit.
Vous l'aurez compris, c'est un véritable coup de cœur.

Merci, Monsieur Kessel.

Il y avait cette démarche princière, paresseuse et cependant ailée, cette façon superbe de porter la tête et la lance et le morceau d'étoffe  qui,  jeté sur une épaule, drapait et dénudait le corps à la fois. Il y avait cette beauté mystérieuse des hommes noirs venus du Nil en des temps et par des chemins inconnus. Il y avait dans les mouvements et les traits cette bravoure insensée, inspirée. Et surtout, cette liberté orgueilleuse, absolue, indicible d'un peuple qui n'envie rien ni personne parce que les solitudes hérissées de rondes, un bétail misérable et les armes primitives qu'il façonne dans le métal tiré du lit sec des rivières comblent tous ses soins et qu'il est assez fier pour ne point laisser sur la terre des hommes ni maison ni tombeau.

Gallimard (collection Folio junior) - 248 pages