005394974.jpgCoupDeCoeur2016.pngDe Florence Aubry, je n'avais lu jusqu'alors que Le royaume des cercueils suspendus, l'un de mes coups de cœur de 2014.
Ici, on la retrouve dans un tout autre genre, puisqu'il s'agit d'une fiction basée sur une histoire vraie. En fin d'ouvrage, l'auteur explique qu'après avoir regardé un reportage sur une orque en captivité, elle a été bouleversée a eu envie d'écrire sur la souffrance des animaux en captivité, en particulier des animaux marins qui sont utilisés comme vedettes dans des parcs d'attraction. 

Titan est une orque qui a été pêchée et placée dans un parc aquatique très jeune, c'est un mâle aux dimensions imposantes qui a la particularité d'être intégralement noir.
Elfie, à peine le bac en poche, va trouver un emploi de caissière dans un parc aquatique proche de chez elle. Ce qui au départ, ne devait être qu'un job d'été, va se transformer en emploi stable. Rapidement, Elfie va passer du simple statut de caissière aux entrées à celui de dresseuse d'orque. Elle est bonne nageuse et sportive, cela suffit au directeur du parc pour lui proposer cette promotion. 
Tandis que nous découvrons à travers les yeux d'Elfie l'apprentissage de son métier si particulier, une autre voix s'intercale dans la narration, celle d'une personne qui nous présente l'envers du décor. Matériellement parlant, les pages du livre changent de couleur en même temps que le récit change de narrateur. Blanc pour Elfie, noir pour le narrateur anonyme.

Lorsqu'elle commence à travailler au sein du parc, Elfie est toute jeune et totalement inexpérimentée. Elle a des doutes et des craintes, mais elle ose, elle s'adapte. Il y a bien des choses qui la chagrinent un peu, mais dans le fond elle aime son job et le trouve formidable. Puis, petit-à-petit, elle évolue et commence à se poser des questions. En parallèle, le narrateur anonyme révèle, à nous autres lecteurs, la triste réalité qui se cache derrière ces spectacles féeriques. Et au fil des pages, la tension monte, on se sent oppressé. Le grand tour de force de Florence Aubry, c'est qu'elle ne prend pas vraiment parti, même si son intention première est évidemment de dénoncer les pratiques cruelles sur les orques. Ses deux personnages sont terriblement humains et leurs réflexions font évoluer le lecteur avec eux. Elle ne nous matraque pas avec des images insoutenables dès le départ, elle ne dévoile pas non plus d'emblée le traitement infligé aux orques en captivité, non, tout cela, on le découvre en même temps qu'Elfie découvre son métier. C'est presque pédagogique et l'écriture sert le propos admirablement. Le style est assez sec, incisif, mais très beau. On lit ce roman en apnée, en passant par tout un panel d'émotions, et je peux vous dire que ce texte va me hanter pendant longtemps.
Un roman magnifique, difficile, mais nécessaire.

Rouergue (doado), 187 pages, 2018

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A celles et ceux qui souhaitent en tenter la lecture, je conseille également vivement le fameux reportage qui a inspiré ce livre à l'auteur. 
Il s'agit de Blackfish, réalisé par Gabriela Cowperthwaite. 
Ce film documentaire porte sur la vie de Tilikum, une orque qui fut capturée très jeune, passa de parc en parc et devint une tueuse, conséquence probable de la maltraitance qu'elle subit pendant des années. Ce reportage dénonce les traitements infligés aux orques dans les parcs d'attraction, mais également les conditions de travail des employés. Ce n'est pas un sujet facile, mais ça ouvre les yeux.