Le mois dernier, j'avais mis à l'honneur l'auteur Gabriel Garcia Marquez, et me proposais de lire Cent ans de solitude...
J'ai traîné ce livre comme un boulet pendant des jours et des jours... Attention, l'expression que j'utilise, à connotation péjorative, n'est pas à prendre ici au premier degré. J'emploie volontairement le terme de boulet pour l'image qu'il représente, celle de quelque chose de lourd, qui reste attaché à la personne... Et c'est exactement le sentiment que j'ai eu en lisant ce roman. Lourd, parce que l'histoire est dense, les mots et les phrases s'enchaînent de plus en plus vite, et la respiration devient parfois haletante, imposant une pause au lecteur. Lourd, parce que si ma lecture avançait à pas de fourmis, je ne pouvais me défaire de ce livre qui m'a suivie partout. J'ai vécu une expérience de lecture très étrange et totalement unique, jamais je n'avais ressenti cela en lisant auparavant. J'ai, au fil des jours, établi une sorte de relation double avec cet ouvrage, oscillant alternativement entre attrait et rejet, mais n'ai jamais pu m'en défaire. Cent ans de solitude s'est imposé à moi, il m'a vampirisée, absorbée.
Au final, je suis satisfaite de l'avoir lu, contente de ne pas être passée à côté de ce récit extraordinaire (au sens propre et figuré). Et pourtant, je ne peux pas dire que j'ai beaucoup aimé cette histoire. La dernière page tournée, un sentiment ambigu m'a envahie ; la certitude que je venais de découvrir une grande œuvre de littérature, la compréhension de ceux et celles qui le considèrent comme un chef d'œuvre, sans toutefois être capable de l'apprécier pleinement moi-même. J'ai du mal à analyser pourquoi je n'ai pas accroché plus que cela ; le côté fantastique m'a sans-doute gênée, et je m'aperçois que je n'aime pas trop ce genre (encore que, j'ai aimé d'autres romans fantastiques)... mais ce n'est pas la seule explication. L'atmosphère qui règne dans ce livre m'a mise mal à l'aise. Le côté loufoque m'a plu, mais n'a pas su compenser cette sensation de glauque, ce côté malsain qui m'a empêchée de m'attacher à l'histoire et aux personnages, restant toujours en retrait, comme pour me protéger de ce que je lisais... Si j'excepte la redondance des prénoms (toujours les mêmes tout au long de l'histoire) qui m'a quelque peu épuisée et perdue plus d'une fois dans le récit, j'ai énormément apprécié l'écriture que j'ai trouvé magnifique et hypnotisante.
Cette épopée lyrique m'a certes, touchée, mais pas comme je m'y attendais. A une personne qui me demanderait s'il faut le lire, je répondrai que ce roman me semble incontournable, un peu comme un baptême, une épreuve du feu. Il faut lire Cent ans de solitude pour l'inventivité de l'auteur, la richesse de l'histoire, la poésie du texte. Il faut le lire pour être bousculé, pour comprendre ce que c'est qu'un chef d'œuvre, l'universalité d'une œuvre. Mais il ne faut pas forcément s'attendre à un coup de foudre. Pour ma part, je viens de réaliser que je peux apprécier la "valeur" d'un livre sans l'aimer pour autant, et c'est une grande leçon d'humilité que je viens de recevoir. Gabriel Garcia Marquez est un grand monsieur, et je le lirai encore, quand j'aurai digéré ce roman et repris mon souffle.

Seuil (collection Points) - 437 pages