9782075097444FS.gifLes visiteurs réguliers de ce salon savent à quel point Nos étoiles contraires, ma première rencontre avec l'oeuvre de John Green, a été pour moi une grande claque et un immense coup de cœur. Pour autant, je ne me suis pas précipitée pour découvrir d'autres titres de l'auteur, j'ai préféré prendre mon temps. J'ai donc lu l'an dernier Looking for Alaska (Qui es-tu Alaska ?) que j'ai beaucoup aimé. Et cette année, j'ai eu envie de lire son tout dernier roman. Sorti cinq ans après Nos étoiles contraires, Tortues à l'infini était très attendu par les millions de lecteurs de l'auteur, dont je fais partie. 

Il ne s'agit pas d'un livre comme les autres dans la biographie de John Green, mais de l'aboutissement d'un cheminement personnel. Ce récit, certes fictif, est bâti autour d'un sujet difficile, une maladie dont souffre l'auteur, le trouble obsessionnel compulsif. A travers ce livre, il s'est donc d'une certaine manière mis à nu, et son écriture n'a pas dû être simple ; on comprend mieux la longue attente avant cette publication.

Aza Holmes est une jeune lycéenne en apparence ordinaire, qui souffre d'une pathologie psychique. Des pensées obsessionnelles lui pourrissent l'existence et l'empêchent d'avoir des relations avec autrui. Même sa meilleure amie Daisy a parfois du mal à supporter son comportement.  Lorsque l'histoire débute, Aza apprend que le père d'un ancien copain vient de disparaître mystérieusement. Comme il s'agit d'un milliardaire, une prime de cent mille dollars est en jeu, et Daisy décide de mener l'enquête avec Aza.

Si mon résumé vous donne l'impression que Tortues à l'infini est un roman policier, détrompez-vous, car ici la partie enquête n'est qu'un prétexte pour la suite et passe rapidement au second plan. En réalité, c'est un roman centré sur la quête d'identité et la douleur psychique. Pas très gai me direz-vous. Mais avec John Green, tous les sujets, même les plus graves, sont traités sans pathos. La pilule de la gravité passe mieux avec son écriture décalée et cynique. 

Une fois encore, c'est ce que j'ai apprécié dans ce nouveau livre. John Green a un style unique et une acuité incroyable qui rendent ses histoires plus percutantes que si elles étaient écrites par un autre. Cela ne signifie pas que j'aime tout ce qu'il écrit, mais que je trouve toujours son écriture exceptionnelle, quel que soit le roman. Ce fut donc ici le cas, j'ai éprouvé un vif plaisir à "relire du John Green" alors que dans le fond, j'ai moyennement aimé ce roman.

Au moment d'écrire cette chronique et de réfléchir aux arguments que j'allais avancer pour expliquer le sentiment de légère déception que j'ai ressenti au sortir de cette lecture, j'ai eu dû mal à mettre précisément le doigt sur ce qui m'a déplu ou manqué.
Je crois que j'ai eu du mal à m'attacher aux personnages alors qu'ils ne sont pourtant pas banals. Disons que, étant donné le sujet du roman, je m'attendais à un ascenseur émotionnel à l'instar de Nos étoiles contraires. Or, cela n'a pas été le cas, j'ai mis les deux tiers du bouquin avant de  ressentir de vraies émotions et de l'empathie pour Aza. Jusque-là, je suis restée en dehors, incapable de m’immerger dans le récit. Et je ne sais pas pourquoi, car très honnêtement, l'écriture de John Green est percutante comme dans ses autres romans.
Dans la dernière partie, j'ai ressenti une intensité grandissante et beaucoup aimé la fin. Malheureusement, cela n'a pas suffi à "compenser" le reste.

C'est donc un avis mitigé que j'émets vis-à-vis de ce roman.
Un sujet difficile traité avec pudeur et brio, une écriture incroyable, un univers étonnant, des personnages forts, Tortues à l'infini possède tout cela, c'est un très bon livre, mais je suis restée en dehors pendant la majeure partie du temps.

Si vous aussi vous l'avez lu, j'aimerais échanger avec vous sur cette lecture. Qu'en avez-vous pensé, qu'est-ce qui vous a plu/déplu ?

Vous avez peut-être déjà été amoureux. Je veux dire vraiment amoureux, d'un amour que ma grand-mère décrivait en citant la Première Lettre de saint Paul aux Corinthiens qui dit que l'amour est patient et plein de bonté, qu'il n'est point envieux ni vantard, qu'il croit tout, qu'il espère tout, qu'il supporte tout. Je n'aime pas trop balancer le mot "amour" à tort et à travers ; c'est un sentiment trop merveilleux, trop rare, pour le dévaloriser par un usage abusif du terme. On peut vivre une bonne vie sans jamais connaître le véritable amour (dans la version corinthienne du sens, je veux dire). Mais j'ai eu la chance  de le rencontrer avec Harold.
Harold était une Toyota Corolla vieille de seize ans de couleur turquoise.

Titre original : Turtles All the Way Down
Traduit de l'américain par Catherine Gibert
Gallimard Jeunesse, 340 pages, 2017 pour l'édition originale, et pour l'édition française