91Cq4cF6iHL.jpgJe n'avais encore jamais lu Sylvain Tesson. A la fois curieuse et réticente, je me suis décidée à découvrir sa plume avec ce titre, lecture idéale en hiver.
Ce livre, c'est en fait le journal de l'auteur lors d'un séjour en Sibérie. De février à juillet 2010, il a en effet passé six mois dans une cabane juchée sur les rives du lac Baïkal. L'habitation sommaire est isolée et Sylvain Tesson recherche dans ce séjour l'occasion de faire une parenthèse hors du monde urbain pour réapprendre à vivre, à apprivoiser le temps.
Les journées s’égrènent entre balades, pêche, coupe du bois pour le chauffage, lecture... Parfois s'ajoute au programme la visite d'un invité surprise, de passage dans les parages, mais globalement l'auteur passera ces six mois en solitaire.
J'ai mis du temps à lire ce journal que je réservais principalement pour le moment du coucher, appréciant de reprendre le fil de ma lecture alors que ma journée s'achevait, un peu comme un rituel.
J'ai beaucoup apprécié la plume de Sylvain Tesson, à la fois imagée, un brin cynique et érudite. Ce n'est pas un journal au sens classique du terme, dans lequel il relate l'intégralité de ses journées. Il s'agit davantage d'un savant mélange entre réflexion, contemplation et récit des faits. Parfois on assiste au déroulement des événements du jour, d'autres fois l'auteur expose une pensée qui lui vient, souvent alimentée par ses lectures.
Un très beau texte dépaysant à plus d'un titre. A découvrir.

6 mars
Le spectacle de V.E. debout, affairé à défoncer au marteau un poisson congelé sur la table d'une cuisine jamais nettoyée depuis la fin de l'Union soviétique, est réjouissant.

4 avril
Aujourd’hui, beaucoup lu, patiné trois heures dans une lumière viennoise en écoutant la Pastorale, pêché un omble et récolté un demi-litre d'appât, regardé le lac par la fenêtre à travers la fumée d'un thé noir, dormi un peu dans les rayons du soleil de 16 heures, débité un tronc de trois mètres et fendu deux jours de bois, préparé et mangé une bonne kacha et pensé que le paradis n'était pas ailleurs que dans l'enchaînement de tout cela.

5 avril
Ces gens qui vous interdisent de mettre les pieds sur la table. Ils ne savent pas la fierté de l'ébéniste.

13 avril
La tentation érémitique procède d'un cycle immuable. Il faut d'abord avoir souffert d'indigestion dans le cœur des villes modernes pour aspirer à une cabane fumant dans la clairière. Une fois ankylosé dans la graisse du conformisme et enkysté dans le saindoux du confort, on est mûr pour l'appel de la forêt.

2 mai
Entre l'envie et le regret, il y a un point qui s'appelle le présent.

28 mai
Nommer les bêtes et les plantes d'après les guides naturalistes, c'est comme reconnaître les stars dans la rue grâce aux journaux people. Au lieu de "Oh ! Mais c'est Madonna !", on s'exclame "Ciel ! Une grue cendrée !".

Folio, 289 pages, 2011