Jevaispasserpourunvieuxcon.jpg

De Philippe Delerm, je n'avais lu que ses deux recueils La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules et La Sieste assassinée dont je garde un excellent souvenir. 
Je vais passer pour un vieux con en reprend un peu la formule mais autour d'une thématique toutefois différente. Dans cet ouvrage, l'auteur s'amuse à décortiquer les petites phrases toutes faites que tout un chacun ressort à un moment ou à un autre dans son discours. La plume est délicieuse, le ton caustique et tendre à la fois. J'ai relevé plusieurs passages qui m'ont amusée et globalement j'ai lu ces pages avec plaisir. Pour autant, je n'ai pas retrouvé le sel qu'il y avait dans les recueils que je cite plus haut. Ce sentiment qui m'a habitée à plusieurs reprises durant cette lecture est probablement dû aux choix de Philippe Delerm car certaines phrases ne m'ont pas "parlé". Parce qu'elles sont peu usitées, parce qu'elles sont moins "drôles" que d'autres... bref, par moments je me suis sentie un peu en dehors du bouquin, pas trop en phase avec le texte. Mais heureusement, ce n'est pas cette impression qui a prédominé quand j'ai refermé le livre.
Une lecture agréable qui peut se faire en pointillés (à glisser peut-être entre deux romans plus volumineux) ou d'une traite pour les gourmands qui ne savent pas attendre !

JE GARDE MON MAÎTRE
Cette mauvaise humeur belliqueuse n'est pourtant que celle du maître, le vocable n'est pas choisi par hasard. Un maître, quelqu'un qui domine son sujet, et dont on devine déjà que s'il devait se définir lui-même, il affirmerait subtilement qu'il n'est "ni une gonzesse ni un pédé ". Et puisque ce La Fontaine des profondeurs aime s'exprimer par le truchement de son double animalier, n'hésitons pas à lui prêter des opinions politiques assez précises, de celles qui ne profitent pas essentiellement aux émigrés. On n'envisage pas de toucher à son portail. Hélas, il a gagné. Ça fait peur.

SINON, MOI JE PEUX VOUS EMMENER
Il y a des générosités si tardivement exprimées, si réticentes, à l'avance si soulagées de ne pas se voir raisonnablement envisagées, qu'elles apparaissent d'emblée pour ce qu'elles sont : de la courtoisie sous contrainte.

ET LA, C'EN ETAIT PAS UNE ?
"Et là, c'en était pas une ?"
Qu'il est joli cet imparfait ! Comment peut-on charger un temps verbal de connotations si contradictoires ? Une forme de pleutrerie d'abord. On ne saurait imposer frontalement au maître du volant, au pilote des destinées, l'idée qu'il a tout simplement ignoré une opportunité unique.
Un effort de participation aussi. Bien sûr on va se laisser chouchouter, emmener, mais il serait quand-même décent de manifester un peu d'initiative.

C'EST VRAIMENT PAR GOURMANDISE
Mais cette charlotte, "c'est une tuerie !", comme l'a proclamé un des jeunes commensaux. Une formulation dont les plus âgés saluent la ferveur sans se départir en leur fort intérieur d'un sentiment d'inadéquation. Pour ceux dont le taux de choléstérol est élevé, il y a même dans cette assertion une menace involontaire dont ils se seraient dispensés. 

Seuil, 123 pages, 2012

Livre reçu dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire 2012
Priceminister

Rentree-Litterraire-V2-logo.jpg