Sans être un coup de coeur, j'ai beaucoup aimé ce roman qu'il m'a fallu apprivoiser car le début de ma lecture s'est révélé laborieux. L'atmosphère étrange qui se dégage de cette histoire m'a cueillie dès les premières pages mais je n'étais pas prête, il m'a fallu un temps d'adaptation. Il y a aussi le rythme lancinant qui m'a perturbée au départ. C'est étonnant, car au fil des pages, on a l'impression que le récit n'avance pas, qu'une lenteur s'insinue... et puis d'un coup on réalise qu'il n'en est rien et que quantité d'évènements se sont passés sans que l'on s'en aperçoive ou presque. C'est le temps qu'il faut pour que les choses s'installent et prennent du sens, pour percevoir toute la souffrance qui règne dans ce livre et comprendre la vie que mènent les personnages.
Nous sommes en présence d'une uchronie qui nous ramène au temps de l'esclavage en Afrique devenue Afirik. Dans cette réécriture de l'Histoire, ce sont les noirs qui sont devenus les maîtres et les blancs qui sont les esclaves. Mari est l'une de ces "faces de craie" mais sa vie est un peu plus douce que celle de ses pairs qui triment aux champs. Son rôle, c'est de distraire la petite fille de ses maîtres, la capricieuse Lisha. Pendant ce temps, les siens se tuent à la tâche et Ani, sa mère, dépérit de jour en jour. Le soleil est le premier ennemi de ces cornes d'ivoire dont la peau brûle trop facilement. Et puis il y a la cruauté des maîtres, leur exigence, leur mépris. Pourtant Sare samba n'est pas comme les autres, il semble empreint d'humanité même s'il se plie aux traditions. Les blancs quant à eux, ont perdu les leurs, triste sort de ceux qui ont quitté leur civilisation il y a trop longtemps pour s'en souvenir.
Nous suivons donc Mari dans ce quotidien sombre et sans espoir où les esclaves aux tenues vertes sont devenus le jouet de la fatalité. D'emblée nous percevons que la jeune fille est promise à un destin unique et qu'elle ne suivra pas le même chemin que ceux de sa couleur. Pour autant, l'histoire ne se résume pas à une quête de la liberté, non, la trame en est plus complexe que cela. Afirik n'est pas un roman qui prend parti. C'est un roman multiple qui pose des questions, examine les hommes et leur culture... Le travail de l'auteur est admirable de ce point de vue et cette Afirik prend vie en quelques mots avec un réalisme incroyable. Les odeurs, la chaleur, les paysages, les hommes, tout y est, on s'y croirait vraiment. Et puis il y a un panel de personnages forts qui ne s'oublient pas facilement, des personnages cabossés, pas bien reluisants mais chacun avec son charme. Mari est sans-doute celle qui évolue le plus dans ce livre, on la découvre dans les premières pages en jeune fille effacée et soumise, parfaite dans son rôle d'esclave, puis au fil du temps elle change, prend son destin en mains. Parfois elle fait les mauvais choix, parfois elle court vers le danger sans le savoir, mais toujours elle avance. 
Commencé dans le doute, j'ai achevé ce roman d'une traite, le coeur serré, émue, très émue

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Afirik est le premier tome d'une trilogie. Le deuxième est prévu pour 2012. 

Le superbe billet d'Emmyne

Pocket jeunesse, 512 pages, avril 2011