9782848658629FS.gifNouveau roman de Cécile Roumiguière, un peu plus d'un an après Lily. Quand on aime un auteur, c'est toujours une joie de découvrir son nouveau livre, mais c'est aussi un court moment d'inquiétude : vais-je l'aimer ? 
Avec Les fragiles, ce n'était pas gagné d'avance au vu du sujet (difficile) traité.
Cécile Roumiguière entre avec ce titre dans la collection Exprim' des Editions Sarbacane. Je connais cette dernière de réputation, c'est une collection qui s'adresse aux ados/jeunes adultes, traite des sujets souvent sensibles, et qui est résolument ancrée dans la réalité. Comprenez des textes forts, percutants, que l'on rencontre peu en littérature jeunesse.

Drew a dix-sept ans, mais il a également neuf ans, dix ans... Entre passé et présent, le lecteur découvre au fil des chapitres l'histoire de ce jeune homme, d'abord enfant, puis devenu adolescent et maintenant jeune adulte. 
Au début, il y a cet événement qui survient alors que Drew, âgé de neuf ans, vient de jouer un match de handball. Au volant de sa camionnette sur le chemin du retour, son père renverse Ernest le gardien du stade. Il ne s'arrêtera pas, de toutes manières, ce sale nègre n'avait qu'à pas se trouver là.
Le ton est donné, on n'est pas là pour assister à l'enfance toute rose d'un gamin épanoui...
Au fil des ans, Drew grandit au sein de ce foyer bancal avec un père raciste et une mère qui semble fuir les problèmes. 

La force de ce roman, c'est la psychologie de ses personnages, ce qui est pressenti dès le titre, tellement bien trouvé. Les fragiles, ce sont sont à peu près tous les personnages du roman. C'est Drew, le héros, mais ce sont aussi tous les autres. En fin de compte, et c'est cela qui est troublant, chacun a ses faiblesses mais aussi ses "bons" côtés. Alors même que dès les premières pages, on ne peut pas encadrer cet abruti de père, ce type épouvantable de connerie et de méchanceté, on se surprend finalement quelques chapitres plus loin à éprouver de l'empathie à son égard. Et c'est ça qui est à la fois génial et terrifiant, c'est que ces personnages sont tellement humains, tellement réels, qu'on ne peut que compatir, même quand ce qu'ils font nous donne la nausée. Tout au long du livre, on ressent des émotions contradictoires, on devient en quelque sorte la marionnette de l'auteur.

Au-delà des personnages, la construction du récit, entre l'enfance de Drew et ce fameux jour J où l'on devine qu'il s'est passé un drame, crée une intensité dramatique croissante et captivante. Alterner les points de vue en divisant la narration en deux périodes est un procédé classique et récurrent en littérature, mais toujours efficace. Ici, c'est parfaitement maîtrisé et le lecteur a envie de savoir ce qui s'est passé et surtout, pourquoi. 

Une lecture prenante, en équilibre sur un fil tendu.

Sarbacane (Exprim'), 197 pages, 2016