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L'an dernier j'ai découvert la plume de Shaïne Cassim avec son roman Jolene qui fut pour moi l'un des plus beaux coups de coeur de 2012. Deuxième rencontre donc, avec l'auteur, et encore une histoire magnifique.

Résumé de la quatrième de couverture :

Dans une petite ville du Mississippi, près du fleuve, Eden Villette cherche à écrire de la poésie. Et tout l'intéresse, car tout peut faire poésie. Une poule aux coudes pointus, par exemple, pourrait être un bon début de poème. Mais Eden est prise dans tant d'hésitations, tant de questions. Osera-t-elle se jeter à l'eau ?
C'est l'été 1967, les États-Unis bruissent des débats autour du mouvement des droits civiques, entre réformistes et partisans d'une action radicale.
Cet été-là, Jane-Esther Sanchis arrive en ville, auréolée de sa gloire littéraire, pour y passer quelques semaines et donner une conférence.  Elle retrouve  ses amies de  jeunesse :  Kate, la tante d'Eden, et Edna Gardner.
Auprès d'elles, Eden espère des conseils. Comment écrire, comment aimer, et comment vivre sa vie ? Au bord du fleuve, les réponses n'appartiennent peut-être pas à ceux qui semblent les détenir.

L'écriture de Shaïne Cassim n'a décidément rien de commun, elle est à la fois déroutante et sublime. L'histoire de cette jeune fille amoureuse de la poésie mêlée à ce parfum de fleuve et à ce contexte politique aux Etats-Unis des années 60 en font un roman doux-amer qui happe le lecteur et l'extrait de sa réalité. On retrouve dans Une saison avec Jane-Esther des similarités avec Jolene bien que ce soit deux univers différents. Il y a cette même envie de vivre, de savourer ces petits détails, ces instants. J'ai bien du mal à vous parler de cette lecture qui m'a émue et touchée. Parce qu'elle est différente, parce que les émotions ne se mettent pas en mots facilement, comme le découvre le personnage d'Eden dans le livre.
Roman d'initiation, ode à la poésie et à la vie, Une saison avec Jane-Esther m'a emportée. Shaïne Cassim est un auteur à suivre, indubitablement.


Un baiser sur la tempe

Rien ne fait mieux passer le temps que le temps qui
coule dans mes veines,
il faut que j'écrive tant que mon corps est chaud et
la poule encore en vie.
Si je contemple un nénuphar qui se noie, le temps
coule aussi et mon existence plonge à sa suite au fond
de l'étang.
On peut attendre toute une vie,
et seulement espérer depuis la rive du fleuve, que
tous les soirs
le soir se couche vite, et qu'ainsi je sente enfin
ton baiser sur ma tempe.
On peut attendre toute une vie
qu'un coeur bouleversé ne sourie plus qu'à l'obscurité
venue,
faites que tombe la nuit afin que je tombe moi aussi.
Frappant au portail des rêves, j'entre
tout entière dans le sommeil, tout entière dans l'oubli.
La clé a fermé le jour à double tour, la lumière cogne
en vain contre les volets,
tout est sans cesse fatigué, les fleurs comme la pluie se lassent.
Les épaules en plomb, j'ai posé mon stylo, la feuille 
en a pris ombrage et s'est froissée.
Nulle métaphore ne console mon âme consumée,
je songe au pays de boue, à un endroit où me noyer.
Le voyage que je voulais faire, tu sais, toi et moi,
la traversée,
mon billet est périmé.
Mes bagages sont pourtant prêts,
car j'attends sans bouger toute la vie que quelqu'un
vienne
qui ne viendra jamais.

L'école des loisirs (Médium), 221 pages, 2013