Voilà un roman qui, pour une fois, me donne matière à écrire. Souvent, je suis incapable de mettre en mots mes impressions, d'expliquer pourquoi j'ai adoré un livre, ou au contraire pourquoi je ne l'ai pas aimé. D'autres fois, je n'ai tout simplement rien de particulier à dire d'une lecture, ce qui ne veut pas forcément dire que je ne l'ai pas appréciée.

Fleurs de tempête fait partie des ouvrages qui me rendent plus prolixe. Ce récit autobiographique retrace l'histoire de son auteur avec Hélène, une amie de quelques années sa cadette rencontrée vingt ans plus tôt à Rennes. Leur amour du Finistère - dont ils sont tous deux originaires - et des belles lettres vont les rapprocher et faire de leur relation une amitié forte et durable, qui résistera au temps et aux changements dans leurs vies respectives. En vérité, plus que de l'amitié, c'est de l'amour que l'auteur éprouve pour la jeune femme, un amour qui ne se concrétisera jamais pour des raisons que l'on ne peut que supposer.
Fleurs de tempête est un cri. Cri d'amour, cri de désespoir, de douleur aussi. C'est, selon les dires mêmes de l'auteur, un tombeau de papier, un reliquaire de mots destiné à sauvegarder une histoire à la fois belle et tragique.
Une histoire on ne peut plus universelle (la perte d'un être cher) qui m'a touchée en tant que lectrice mais également de façon plus personnelle. Une lecture qui n'a pas été des plus simples et qui m'a replongée malgré moi dans des souvenirs difficiles, des situations proches de mon vécu.
Ceci dit, l'émotion que j'ai pu ressentir ne m'a pas empêchée de trouver des défauts (liés au fond plus qu'à la forme) à ce roman, voire même parfois d'être agacée par ce que je lisais.

Les critiques que je vais énoncer concernent principalement la première moitié du roman, les défauts étant moins remarquables par la suite.
La toute première chose qui m'a gênée dès les premières pages, c'est l'expression d'une espèce de snobisme intellectuel qui n'est pas exprimé de façon explicite (encore que...) mais que j'ai ressenti très fortement. On a le sentiment que la relation entre l'auteur et Hélène tourne exclusivement autour de la culture, chose qui ne serait absolument pas gênante si elle était exprimée avec davantage d'humilité. Il ne m'est pas aisé d'expliquer mes sentiments pendant cette lecture, mais il m'a semblé que le ton adopté par Philippe Le Guillou flirtait avec la pédanterie et pouvait éventuellement mettre mal à l'aise le commun des mortels qui n'a pas une culture très étendue. Cet aspect m'a d'autant plus gênée qu' il enlève de la force au récit et place au second plan l'humanité des personnages. Un résultat qui, semble-t-il, est à l'opposé des desseins de l'auteur. Heureusement, avec l'évolution de l'histoire dans la seconde partie de l'ouvrage, les préoccupations culturelles sont progressivement supplantées par des préoccupations plus "humaines". Avec l'arrivée de la maladie, on sent bien que la culture n'a plus le même poids ni la même place dans la vie d'Hélène. Même la lecture qu'elle affectionne lui devient inaccessible quand elle souffre trop. J'aime à penser que la littérature peut soigner bien des maux et qu'elle a sa place à chaque instant de la vie, mais j'avoue que je n'ai pas bien saisi pourquoi l'auteur mettait tellement l'accent sur cet aspect de sa relation avec Hélène alors qu'une tragédie se profile à l'horizon... Philippe Le Guillou dévoile avec ce roman un pan très intime de sa vie ; il veut, dit-il, laisser une empreinte sur le papier de sa relation avec Hélène, et finalement, lorsqu'il nous dévoile leur histoire, il se réfugie en quelque sorte derrière ces échanges autour des lettres et des arts, passant sous silence ce qui fait l'essence même d'une personne. Il en résulte un témoignage partial, incomplet, et nettement moins touchant que la seconde partie du récit. Le lecteur reste passif et simple spectateur de sa lecture.
J'en viens maintenant au second élément qui m'a quelque peu gênée au cours de ma lecture et a empêché ma totale adhésion à l'histoire. Fleurs de tempête est un récit très personnel qui relate une tranche de vie à la fois belle et amère, une des ces expériences dont on ne ressort pas indemne et qui vous change à jamais. Il est donc naturel qu'un auteur en se lançant dans ce genre d'oeuvre utilise le "je" en profondeur. Néanmoins, l'attitude de l'auteur vis-à-vis d'Hélène m'a parfois exaspérée et agacée. Tout gravite autour de lui, tout passe par lui, ses sentiments, ses angoisses, ses peurs, ses désirs... Le récit en devient par moments nombriliste et cela m'a gênée. Alors oui, parler de sa vie personnelle est un exercice périlleux et difficile, on a vite fait de sombrer dans le pathos et de perdre son objectivité, mais quand un roman tourne autour du JE, l'histoire en perd de sa saveur, de sa vérité. Je ne juge pas ici l'auteur qui a eu le courage de coucher sur le papier une des expériences les plus difficiles de l'existence humaine, mais là encore, à l'image du snobisme intellectuel que j'ai décrié plus haut, on ressent une espèce de condescendance (probablement non voulue) de la part de Philippe Le Guillou vis-à-vis de toutes les personnes qui étaient proches d'Hélène. Ce que l'auteur veut faire passer pour de la pudeur et du respect par exemple lorsqu'il évoque à peine le mari d'Hélène ou encore ses amis, m'a mise mal à l'aise. J'avais la désagréable impression qu'il se prenait pour le centre de gravité de cette histoire...

Vous devez certainement trouver mes propos durs et peut-être, qui sait, injustes, mais n'allez pas en déduire pour autant que je n'ai pas aimé Fleurs de tempête.
Généralement, quand on a des choses à dire sur un livre, c'est qu'on l'a apprécié un minimum, au moins qu'il nous a interpellé. Le récit de Philippe Le Guillou m'a émue et captivée. Une fois sa lecture entamée, je n'ai pu le lâcher même si je me doutais de sa triste fin.
Quand à son écriture, si je ne l'ai pas trouvée extraordinaire, elle est belle et délicate, peut-être un peu trop, mais ceci n'est que l'expression d'un goût personnel.

Une première belle découverte du Prix des lecteurs du Télégramme qui me ravit d'autant plus que l'auteur est breton !

Lu dans le cadre du Prix des lecteurs du Télégramme


Gallimard - 161 pages